Un juge d'El Harrach accorde le droit de visite à une grand-mère, sous une absurde condition. Les histoires de «hadhana» remplissent les rôles des sections «statut personnel». Il ne suffit pas que les enfants souffrent juste après qu'un foyer part en morceaux à la suite de malheureuses ruptures. Ici, la guerre est déclarée entre les ex-époux et souvent les luttes sont égales. Dans cette chronique, la douleur est autre. Il s'agit d'enfants qui ont perdu le papa. Le 29 novembre 2010, trois enfants de quatre ans et demi, trois ans et demi et deux ans et demi se retrouvent avec leur maman et leur grand-mère paternel dont le «foie» est vite brûlé car la bru bombe le torse et joue à la maman poule refusant toute entente, tout règlement à l'amiable pour que les petits-enfants puissent s'épanouir entre la maman et la «mémé». Cette veuve bombera encore plus le torse lorsque le tribunal d'El Harrach (cour d'Alger) ordonnera le droit de visite des enfants, mais accompagnés de leur mère. Une décision que la famille du défunt ne comprend pas. «Les enfants sont miens. Ils le sont par le sang et par le lait. Pourquoi ma bru a tout fait pour éloigner mes trois petits-enfants de ma famille?» se plaint S.D. rencontrée au hasard d'une visite à la cour d'Alger. Elle a raconté son problème à tous. Du président du tribunal au parquet, rien n'y fit. Elle flétrit cette décision du droit de visite, car elle répète à qui veut l'entendre qu'elle n'est pas une étrangère pour ses petits-enfants. Même au niveau de l'appel, la décision de la chambre «statut personnel» a confirmé: «Est-il possible qu'une telle décision soit définitive alors que nous sommes confrontées, elle et moi, à de multiples démarches de procédures, telle la non-présentation d'enfants?» se demande la vieille dame qui ajoute qu'elle avait revu le président du tribunal d'El Harrach qui l'avait refroidie en lui affirmant que le juge avait commis une grave erreur, car il en était à sa «première audience». «Un novice de juge, en somme, qui m'a fait perdre le sommeil», hurle S.D. qui rappelle que ce même président du tribunal lui avait demandé de déposer un dossier pour obtenir un droit de visite provisoire et revenir ainsi à la charge pour l'affaire de fond! Mai ô surprise et déception (la énième), le même juge a eu le dossier et refusé l'octroi du droit de visite provisoire. Les larmes aux yeux, la grand-mère a insisté pour rappeler que sa bru avait été condamnée à une peine de prison ferme de trois ans le 3 janvier 2012. Malheureusement cette «astuce» ne voit pas la totalité de la peine, à savoir le mandat d'arrêt. Continuant sur sa lancée et disant sa trouille de ne pas avoir de réponse du président de la République qui a été destinataire depuis quinze jours d'une lettre écrite avec les échos du coeur et des larmes, elle a regretté que sa bru n'a pas accepté le jugement.» J'ai revu le procureur de la République qui a été poli en m'écoutant, mais sans une suite favorable, surtout que l'on m'avait signifié, au tout début du conflit, que je n'avais pas le droit de visite car j'avais engagé l'action en même temps que mon...mari! Ridicule, marmonne S.D. qui ira encore plus loin dans ses craintes de voir cette femme semer la zizanie «sous mon toit où vivent mes enfants, tonton et tatas qui se joignent à moi pour supplier le président de la République d'intervenir afin que le droit de visite me soit accordé dans la sagesse et la paix entre tous, car mes petits-enfants méritent de grandir dans un environnement sain et dénué de haine et de rancoeur». Ni plus ni moins! S.D. cesse alors de pleurer. Elle dira en guise de dernier mot qu'elle ne désire que donner son amour à ses petits-enfants dans la dignité. Elle regrette qu'elle soit victime d'une décision de justice unique dans les annales de la justice algérienne: «Oui, grand-mère. La justice vous accorde le droit de visite à condition que votre bru soit avec ses enfants!» Et un peu plus tard, lorsque nous avions raconté cette décision à un magistrat de la Cour suprême qui a été il y a un peu plus de dix ans président de cour, il eut un rictus et balança: «La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a!». Sans commentaires, car il n'y a pas qu'à El Harrach où l'on rencontre des cerveaux à fabriquer des trucs inavalables. Ce que désire la grand-mère c'est de bénéficier du droit de visite aux petits enfants...