«En raison des ruptures de stocks au niveau de l'hôpital et de la Pharmacie centrale des hôpitaux (PCH) nous vous informons que le spasfon est indisponible», est-il mentionné dans une note placardée au niveau des urgences de l'hôpital de Zeralda. Cette note interne paraît anodine mais malheureusement elle confirme, à elle seule, l'existence réelle d'une pénurie de médicaments. C'est alors que nous avons décidé de faire le tour des pharmacies pour voir de près l'ampleur de cette pénurie. À l'entrée de la première pharmacie, nous restons bouche bée face au père de famille qui n'arrive pas à trouver son médicament. «S'il vous plaît, je cherche de l'Extencilline pour mon fils qui suit un traitement mensuel pour ses angines à répétition», demande au pharmacien, ce père de famille d'un air dépité. «J'ai fait le tour des pharmacies, mais malheureusement l'Extencilline est portée disparue», peste-t-il. «L'Extencilline d'importation qui est introuvable?», nous lui demandons étonnés. «(rires). «Cela fait très longtemps qu'on n'a pas eu la chance de rencontrer celle de l'importation», ironise-t-il. Chose que confirme le pharmacien! «Cela fait plus de quatre mois que l'Extencilline 1.2 de Saidal est en rupture», assure-t-il. «Alors trouver du Rétropen de Sandoz, c'est un rêve impossible à réaliser», ajoute-t-il. Nous quittons donc ce pharmacien, abasourdis par cette découverte, mais pas très convaincus par la révélation des deux hommes. «Comment l'extencilline fabriquée localement est en rupture?», nous nous interrogeons. Alors nous décidons de continuer notre tournée. Une, deux, trois...dix pharmacies visitées est toujours pas d'extencilline 1 million 200 en vue. «Ne vous cassez pas la tête, vous n'allez pas en trouver, c'est devenu une denrée rare», plaisante une pharmacienne pour cacher son dégoût. «Vous savez, l'extencilline est devenue comme le lait à l'époque de la pénurie. Si des pharmaciens en ont, ils la cachent pour leurs fidèles clients. À ces derniers, on essaie d'en trouver chez nos confrères», avoue-t-elle. «Je tiens vraiment à dénoncer cette rupture car il y a des risques de rhumatisme articulaire aigu chez des milliers de personnes qui sont traitées pour des cures tous les 21 jours», dénonce-t-elle. La pénurie est-elle persistante? «Oui, particulièrement pour les produits génériques», nous ont répondu la plupart des pharmaciens. «Les ovules sont en rupture de stock», rétorque-t-elle. «Les molécules, mère de pratiquement tous les médicaments manquent également», atteste-t-elle. Néanmoins, elle tient à souligner le fait que le ministre de la Santé, Djamal Ould Abbès a tenu ses engagements. «Malgré le manque de molécules mère, les génériques sont disponibles avec abondance», se réjouit-elle. Même constat fait par les autres pharmaciens qui remercient Ould Abbès d'avoir fait un peu de nettoyage dans un secteur malade. Les pharmaciens rencontrés estiment dans leur totale majorité que le ministre n'a rien à voir avec les pénuries, mais c'est la mafia du médicament qui est trop implantée pour être aussi facilement déracinée. «Ould Abbès a eu au moins le courage de dénoncer les lobbys et de prendre des mesures contre eux», témoigne un autre pharmacien. «En plus, même si ce n'est que des génériques, mais la disponibilité des médicaments est là», poursuit-il. «Il ne faut pas tomber dans la manipulation de la mafia du médicament qui veut imputer tous les maux du secteur au ministre de la Santé», certifie-t-il. «Le secteur est très complexe, les enjeux économiques sont très importants. La mafia du médicament est donc très influente», indique-t-il. «Il n'est pas aussi facile que cela de mettre un terme à des décennies d'impunité...», conclut-il. Cette tournée dans les pharmacies de la capitale nous aura permis de constater que la crise du médicament est loin d'être totalement réglée. Cela malgré les efforts colossaux consentis par Ould Abbès. Pénurie, pénurie, jusqu'où iras-tu?