«Le début de l'hygiène, c'est haïr les microbes des voisins.» Réjean Ducharme Deux phénomènes parallèles et divergents s'activent à peser sur la qualité de vie du citoyen, c'est-à-dire sur son environnement. Il y a d'abord ceux qui, au fond des bureaux climatisés, manipulent les chiffres, commandent du matériel ou donnent des ordres par téléphone, et puis, il y a ceux qui jettent les ordures par toutes les ouvertures que compte une demeure et qui ne se soucient pas de l'impact de leur geste sur l'aspect du site ou sur la santé de ses voisins. C'est un cliché de dire que notre cité croule sous les ordures: dès que l'été se pointe, les habitants sont saisis d'une folle frénésie de réparations des appartements, des boutiques et même des caves puisque cette année, on a assisté à un grand rush sur les caves. Alors, en plus des ordures ménagères où domine l'élément plastique, les niches à ordures qui sont encore debout ou qui n'ont pas été transformées en échoppes, les espaces verts, les trottoirs reçoivent une quantité énorme de déchets et de gravats que le carrousel des camions de la voirie n'arrive pas à absorber. Malgré les efforts inlassables du ministère de l ́Aménagement du territoire qui, à travers ses infrastructures, ses observatoires, ses directions multiples, ses nombreux délégués, a tissé une véritable toile d ́araignée à travers le territoire national et pénétré d'autres institutions, en informant, sensibilisant, mobilisant et formant les divers acteurs de la vie économique pour le plus grand bien du cadre de vie, il faut se rendre à l'évidence que le côté Est de la banlieue d'Alger, souffre d'une carence d'hygiène flagrante: l'absence de poubelles et l'incivisme de certains habitants affectent considérablement la qualité de vie dans certaines communes. Heureusement que de temps à autre, de simples citoyens prennent les choses en main: la première initiative est toujours cet exemple de quatre ou cinq citoyens plus conscients que d ́autres, qui vont entreprendre le nettoyage de leur cage d ́escalier, la repeindre, nettoyer les espaces verts jonchés de toutes sortes de détritus: bouteilles en plastique ou en verre, gobelets jetables, pneus usagés... la présence de commerces aggrave cet état de fait: des jeunes désoeuvrés passent le plus clair de leur temps à siroter des cafés, à manger des glaces ou à boire des sodas: les emballages sont abandonnés sur les bords du chemin ou jetés par-dessus les clôtures qui sont censées protéger les espaces verts. Et pour couronner le tout, le balayeur communal se contente de nettoyer seulement les allées. Quelquefois des locataires organisés se cotisent et lui offrent un modeste pourboire pour donner à un espace vert un aspect décent. D'autres se contentent d'allumer un feu qui brûlera tout: herbes sèches, papiers et plastiques. On s'étonne après que le cancer fasse des ravages chez les jeunes! De temps à autre, il se présente des événements d'une telle gravité et d ́une telle urgence que tous les concernés se précipitent pour se concerter afin de trouver une solution pour la cave inondée qui va envoyer des effluves nauséabonds à travers ses soupiraux et tous les interstices vers la cage d ́escalier, laquelle sera bientôt envahie par des eaux usées et par des myriades de moustiques et moucherons. Quelquefois, un volontaire va alerter les services de la commune qui envoient, dès qu'ils le peuvent, un camion pour pomper les eaux usées. Ou alors on fait appel à un véritable kamikaze qui va plonger dans les eaux usées pour déboucher un égout au péril de sa santé. C ́est-à-dire le temps qu ́il faudra pour ramasser l ́argent, afin de payer l ́ouvrier qui osera plonger dans les regards bouchés afin de dégager la voie aux déchets nauséabonds. Mais le problème reste entier: comment apprendre aux citoyens à combattre leurs négligences. Comment leur inculquer à envelopper leurs déchets dans des sacs hermétiques ou à ne pas jeter n'importe où des ordures qui, sous l'effet de la chaleur, deviennent de véritables foyers d'infection?