Un spectacle hilarant sur les tribulations d'une famille immigrée en Alsace... «L'amour n'a jamais étouffé personne», a répondu un jour la mère de Ali Djilali Bouzina à ce fils devenu plus tard comédien. C'est à cette mère trop généreuse et possessive que cette chétive personne a décidé un jour de rendre hommage à travers un spectacle hilarant. Un one man show intitulé 75 % familles nombreuses. Cela rappelle la chanson des Négresses vertes «Famille nombreuse, famille heureuse quand on est frères et soeurs...» Et de la fratrie, le petit Ali, il en avait. Entre autres Mohamed, «Boukhnouna», Aïcha et d'autres. Ils étaient en tout une dizaine d'enfants turbulents dont la mère s'inquiétait pour leur éducation en s'occupant d'eux H24. En plus du mari, du travail à temps complet pour ainsi dire, pour une mama méditerranéenne à l'émotion à fleur de peau et qui ne cessait de se faire du mouron pour ses gosses. Elle ne cessait de pleurer lorsqu'elle se rendait en prison pour voir un de ses fils. Elle les rendait tous malades, Ali, lui, attrapera de l'asthme. C'est normal quand on quitte son pays pour aller en Alsace et qu'on coupe les ponts avec sa famille, sa culture, il y a de quoi être démoralisé...En effet, 75% familles nombreuses c'est l'histoire d'une famille immigrée qui, dans les années 60, s'installe dans le sud de la France pour ensuite immigrer dans un petit village au fin fond de l'Alsace et ainsi devenir la première famille «alsaço-maghrébine». 75 % familles nombreuses retrace cette saga familiale depuis les années 60 jusqu'à nos jours avec la mère comme élément central que Ali Djilali Bouzina ridiculise avec un humour attachant comme cette anecdote où sa mère se coince dans cette «baignoire-sabot» tant elle est physiquement énorme. Dotée aussi d'une forte poitrine et serrant ses enfants contre elle jusqu'à l'étouffement. Seul sur scène, Ali se rappelle les tribulations de sa famille en Alsace. Lieu symbole car l'Alsace a changé à plusieurs reprises d'identité suivant le cours de l'histoire, puisqu'elle est devenue française, allemande puis allemande-française et inversement. Cette famille doit s'adapter aux différentes cultures, lieux qui accentuent la difficulté notamment quand les parents ne maîtrisent ni le français ni l'alsacien. Les enfants, quant à eux, doivent faire face à cette triple culture arabo-franco-alsacienne. Un exercice que maîtrise notre showman en s'exprimant sur scène dans ces trois langues, en parlant, chantant et gesticulant dans tous les sens. Le spectacle a, pour cadre un quartier populaire, une cité HLM où vivent une famille maghrébine, des gitans sédentarisés et plusieurs familles alsaciennes. Le premier échange interculturel avec les voisins se passe à travers la cuisine. Mme Heinrich offre à madame Bouzina de la «choucroute», plat que d'aucuns ne goûteront pas de peur qu'ils contiennent des ingrédients à base de porc. Mais le courant passe tout de même. Ali Djilali-Bouzina nous parle de son spectacle: «Dans ce spectacle, on verra une famille nombreuse cohabitant dans un espace très restreint avec comme capitaine de bord la mère, omniprésente, omnipotente, la mère de toutes les mères, aux multiples cordons ombilicaux et à la généreuse poitrine guidant ses enfants dans cet univers impitoyable». Ali avoue que c'est difficile de parler du lien qui unit une mère à son fils. Une gageure qu'il réussit pourtant à porter sur scène tant le rire était franc parmi le public. Délicat aussi de tourner en dérision les problèmes sociaux que connaissent les immigrés comme le père qui s'use à travailler toute la journée et se défoule sur ses enfants en les battant, de la femme qui hurle sur sa progéniture et qui se plaint que personne ne s'occupe d'elle, de la cherté de la vie. Tout cela est rendu comique grâce au pouvoir du rire et des traits burlesques que Ali Djilali-Bouzina arrive sans exagération à brosser. Né le 2 février 1956 à Alger, arrivé à l'âge de 4 ans à Strasbourg où il apprend l'alsacien, l'allemand et l'anglais, Ali part après suivi des études à Grenobles au DUT animation socio-culturelle et se forme lors des stages qu'il suit au cours Florent (86) et à Actor's studio avec Jack Garfein (90) à Paris et auprès d'un conseiller technique et pédagogique en théâtre pour la délégation départementale de l'Isère de la jeunesse et des sports. Ali possède plusieurs créations dont Les champs de couscous ne donnent plus de blé et Et que valsent les cigognes. Présenté vendredi passé à la salle Ibn Khaldoun sur initiative de l'établissement Arts et culture, ce spectacle 75 % familles nombreuses mérite d'être plusieurs fois programmé pour en faire profiter un large public.