La crise actuelle reste intimement liée à la prochaine consultation électorale. De toutes les crises que le mouvement citoyen a eu à vivre depuis sa naissance au lendemain des évènements tragiques du Printemps noir, celle qui le mine présentement diffère à plus d'un titre et reste intimement liée à la prochaine consultation électorale. Si par le passé le pouvoir est montré du doigt à chaque fois que les choses vont mal au sein des structures, cette fois-ci, il serait naïf de croire à sa totale innocence. Cela explique, dans tous les cas, suffisamment, les nouveaux rapports, qui se sont instaurés entre le mouvement citoyen et les représentants de l'Etat. Des rapports, qui, faut-il le souligner, ont connu une évolution crescendo depuis le premier appel du Chef du gouvernement, basé sur la nécessité de régler au plus vite une crise qui n'a que trop duré. Cette évolution «positive» dans les rapports entre les deux protagonistes a donné des sueurs froides aux partis politiques, qui se sont toujours présentés sous l'habit du maître région. Dès lors que tout indiquait une fin proche du conflit, qui a tenu en haleine des années durant toute la société algérienne, un affolement les a gagnés. Discrédités, on tente de refaire surface pour mieux peser sur les évènements, non pas pour faire aboutir les revendications et cela aurait pu être recevable, mais pour des besoins purement politiciens. La prochaine échéance électorale y est, à ne pas douter, pour beaucoup dans cet état de fait. Devenu gênant pour une classe politique qu'il a suppliée pourtant dans les durs moments de la crise, le mouvement citoyen aujourd'hui fait l'objet d'attaques et de manipulations tous azimuts. Le différend né dans la Cadc de Tizi Ouzou autour du document de mise en oeuvre, illustre largement cette volonté d'affaiblir le mouvement citoyen par son implosion. Ce document, dont le principe a été retenu à l'unanimité lors du conclave de l'interwilayas à Raffour, est aujourd'hui sujet à toutes les polémiques alimentées par des acteurs politiques qui n'ont rien à gagner si la crise se résout. Bloquer le document de mise en oeuvre sous divers prétextes, qui ne convainc en fait personne, reste le souci principal de «certains acteurs politiques obéissant aux injonctions de leurs chefs» et équivaudrait au blocage de tout le processus de dialogue. Maintenir les choses en l'état de statu quo sur fond d'incertitude, reste pour eux le meilleur moyen pour discréditer le mouvement et pour paraître d'abord en «sauveur» pour, ensuite, pouvoir s'imposer en prévision de l'élection présidentielle d'avril 2004. La fracture, qui s'est produite à Tizi Ouzou, fait suite à l'impossibilité de rallier sous leur tutelle les délégués les plus en vue. Rappelons, à ce propos, la guerre de communiqués entre la coordination de Tizi Ouzou et la représentation locale d'un parti politique. L'échec des tentatives de rapprochement entreprises pour «gagner» Abrika et ses camarades afin qu'ils s'inscrivent dans la démarche globale du parti, a débouché sur une fracture au sein de la structure. Les deux groupes se sont adonnés sans retenue à une guerre ouverte qui démontre, si besoin est, largement leurs rapports respectifs avec la classe politique traditionnelle; affinités pour les uns et méfiance pour les autres. Le manège qui s'est produit récemment à Béjaïa, conforte largement cette volonté de mainmise sur le mouvement. A défaut de le manipuler, ou à multiplier les dissensions tout en faisant preuve, via certains délégués, d'esprit rassembleur. Les rapprochements inattendus, qui ont pris forme entre un parti politique et les dissidents du mouvement citoyen, ne sont qu'une suite logique du scénario enclenché à Tizi Ouzou et qui vise essentiellement deux objectifs : d'abord faire émerger un leader plus «docile» qui effacerait l'intraitable Belaïd Abrika, ensuite semer la division au sein de la CIC Béjaïa qui a su, jusque-là, maintenir sa cohésion, pour en fin de compte, mieux asseoir sa suprématie. Cela a failli aboutir lors du conclave du jeudi passé, qui, néanmoins, «a permis de dévoiler au grand jour la stratégie ficelée par les tenants du pourrissement», disait un délégué dont la sagesse est reconnue de tous. La clairvoyance de la majorité des délégués a réussi à déjouer le complot dont la l'assemblée «de réunification», prévue, n'en serait que le couronnement. Cette réunion n'avait, en fait, d'objet que de propulser un nouveau leader du mouvement citoyen et consacrer l'aboutissement du projet concocté par un parti politique. La guerre des clans qui gagne à présent le mouvement citoyen n'est, certes, pas de nature à susciter un quelconque espoir mais a, néanmoins, permis de connaître les intentions des uns et des autres. Tenant compte des enjeux mais surtout des risques qu'un échec du dialogue avant la présidentielle pourrait engendrer comme conséquences néfastes pour la région et le pays, la tenue du conclave de l'interwilayas pour aplanir les différends et adopter le document consensuel de mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur est considérée comme l'urgence première. Tout retard ne profiterait qu'aux ennemis d'une solution politique. Au sein de l'opinion, il est plus que souhaitable que le contact officiel ait lieu avant la présidentielle. Ce souci, partagé, d'ailleurs, est justement l'élément de la discorde qui sépare ceux animés d'une volonté de faire aboutir les revendications et les autres soucieux uniquement de leurs statut et privilèges. Pour ce qui est du choix entre les deux clans, les parents de martyrs de Tizi Ouzou ont déjà montré la voie pour ceux qui veulent voir et entendre. Les jours à venir sont à la fois déterminants et porteurs de risques. La maturité des délégués et la pression de la population, qui bien qu'elle se soit quelque peu retirée, garde bien un oeil sur les évènements. Alors gare aux faux pas ! La sanction risque d'être plus forte que celle d'avril 2001.