Passer ses soirées dans une kheïma reste au-dessus de ses moyens Les familles algériennes ne trouvent que la rue pour passer leurs soirées. Et Ardis ouvrit ses portes! C'est une soupape de décompression pour les familles algéroises qui suffoquaient. Voulant sortir avec sa femme et ses enfants, Samir n'a pas trouvé où aller. «J'ai voulu profiter en famille de cette belle soirée mais je n'ai pas trouvé d'endroit ou me divertir», affirme-t-il avec regret. «Alors on se contente de venir se promener ici à Ardis», ajoute-t-il en expliquant qu'il aurait préféré aller assister à un programme culturel. La famille de Samir n'est pas la seule à regretter ce manque flagrant de lieux de détente. «Heureusement qu'Ardis a ouvert ses portes, on peut au moins se promener et respirer de l'air marin sans être collés les uns aux autres», rapporte Chawki qui semblait prendre du plaisir à se pavaner dans ce centre commercial. «C'est vrai que cela nous change de la routine quotidienne, toutefois ça ne reste qu'une petite promenade. Rien de très enrichissant», atteste-t-il. L'esplanade d'El Kettani, le Parc d'attractions de Ben Aknoun, les Pins maritimes, les centres commerciaux de Bab Ezzouar et Ardis et le tour est fait en termes de lieux de loisirs au niveau de la capitale où il y a un manque flagrant dans une ville qui compte près de 4 millions de personnes. Et si loisirs il y a, cela reste trop cher pour la majorité des Algériens. «On aurait aimé avoir l'embarras du choix avec des programmes qui soient plus diversifiés. Mais que voulez-vous, on se contente de ce qu'il y a», regrette-t-il. Hakim, lui, aurait aimé aller passer ses soirées dans une kheïma, mais ça reste au-dessus de ses moyens. «Avec les prix des peoduits alimentaires qui ont flambé, on ne sait pas si on doit manger ou se divertir», ironise ce père de famille qui était en train de commander des sandwichs de grillade pour lui et sa famille qui l'attendait dans la voiture. En parlant de kheïma, Nabil, qui est un habitué, souligne le fait que les prix du billet pour accéder à ces kheïmas ont baissé. «Les prix sont moins élevés que les autres années avec des billets d'accès qui débutent à 500 dinars, mais cela reste tout de même élevé par rapport au pouvoir d'achat de la population», assure ce cadre dans une société étrangère qui avoue que s'il n'était pas célibataire, il ne pourrait pas se permettre ce genre de soirées. «500 DA ajoutés aux consommations, cela vous revient à un minimum de 1000 dinars. C'est exorbitant quand on a une famille à charge», poursuit-il. Pour les autres jeunes qui n'ont pas les mêmes moyens que Nabil, la rue fait office de Kheïma et d'endroit pour les loisirs. L'animation bat, en effet, son plein tous les soirs durant le mois de jeûne dans les rues et ruelles de la capitale et sa banlieue. Les grandes avenues ne connaissent pas de répit. Les cafés et les salons de thé affichent archicomplets. Il y a de quoi satisfaire tous les goûts. Certains ont même improvisé des «kheimate» informelles où ils servent en pleine rue, gâteaux, thé, cacahuètes et autres kalbellouze. Les clients de ces kheimate, contrairement, à ceux des «kheimate formelles» ont même droit à un menu «brochettes». Kheimate informelles... Faute de moyens, ou par habitude, les jeunes semblent avoir un faible pour les sorties nocturnes dans les rues durant le Ramadhan. Ils ont investi la rue qui est devenue leur terrain de jeu. Après la rupture du jeûne, les cafés sont pris d'assaut. Les jeunes sont devenus de vrais fans des sorties. Ils adorent sortir de la maison ne serait-ce que pour déambuler dans les grandes avenues et les petites ruelles sans avoir de programme spécifique. Grand nombre d'entre eux hantent les cafés et les salons de thé, juste après le dîner, pour pouvoir trouver une place dans le café du coin. Il paraît qu'aller au café après la rupture du jeûne est devenu une norme de masculinité chez les jeunes. Ils s'y rendent pour avoir leur dose de caféine et de nicotine après une journée d'abstinence. Ils s'y rendent aussi pour retrouver les amis, partager quelques potins et jouer aux cartes. Des programmes à la carte sont disponibles dans ces salons de thé: jeux de cartes, d'échec et narguilé (chicha). Les assidus des jeux de cartes sont plutôt nombreux. Et même si le lendemain, ils doivent se réveiller de bonne heure pour aller étudier, ils cumulent les parties jusqu'à l'aurore... De l'autre côté, les filles semblent avoir d'autres chats à fouetter... Wafia ne quitte pas la maison. La jeune fille y passe toutes ses soirées ramadhanesques. Wafia ne quitte pas la maison. La jeune fille passe toutes les soirées ramadanesques avec sa famille. Même quand elle sort, elle est accompagnée par les membres de sa famille. «Franchement, je trouve inutile qu'on passe des heures et des heures dans un salon de thé ou des kheimate pour remplir ses poumons de la fumée suffocante des cigarettes, manger un petit truc sucré et payer une addition qui sent le brûlé ensuite», témoigne cette jeune fille qui ne semble pas être portée sur les soirées ramadhanesques. «C'est une soirée de frime sans plus», poursuit-elle. Tramway, métro mais... pas de loisirs «Des pratiques 'frimeuses'' et très stupides. Moi, je préfère rester à la maison avec ma famille pour regarder le programme télé autour d'une table garnie de délices. Lorsqu'on sort, nous allons tous ensemble chez ma grand-mère dès l'heure de la rupture du jeûne. Et si l'on a envie de faire un tour, on y va également en famille et on choisit généralement un endroit bien aéré pour respirer de l'air frais», dit-elle. Amina 14 ans, ne sort pas non plus. Contrairement à Wafia, Amina aimerait tant sortir le soir. Mais ses parents ne veulent pas l'accompagner parce qu'ils préfèrent les soirées familiales à la maison. «Mes parents sont très casaniers. Les seules fois où ils sortent, c'est pour aller dans une autre maison, chez mes tantes ou mes grands-parents. De plus, cette année et même l'année dernière, les heures de la rupture du jeûne sont assez tardives», atteste-t-elle. «Nous avons donc à peine le temps de manger et de débarrasser la table, faire la vaisselle et arranger la salle à manger. Ensuite, on trouve tout juste le temps de voir un peu la télé avant que ne pointe l'heure de se mettre au lit», raconte-t-elle en indiquant que le manque d'endroits où aller et le coût des lieux disponibles freinent ses ardeurs. Ce micro-reportage fait pour le premier week-end du Ramadhan démontre si besoin est, le manque de loisirs des Algériens. Même le Ramadhan qui, d'habitude est riche en matière d'animation, semble des plus moroses. La frénésie que suscitent les soirées ramadhanesques semble avoir pris un coup. Même le tapage habituel des autres années, autour des kheimate et autres soirées, n'est plus d'actualité. Un comble quand on sait que c'est le premier Ramadhan où les Algérois n'ont plus de problème de transport avec la mise en service du métro et du tramway d'Alger. Bien plus, le Ramadhan, cuvée 2012, intervient dans l'année du Cinquantenaire de l'Indépendance. Un programme «riche et varié» devait être concocté durant toute l'année... Pour le Ramadhan on ne voit encore rien venir. Où est le programme des festivités du Cinquantenaire de l'Indépendance? Où sont les loisirs auxquels devraient avoir droit les Algériens. Ont-ils disparu comme disparaissent les promesses des politiques quant à la stabilisation des prix durant le Ramadhan? Wait and see.