Les intérêts britanniques ont été attaqués jeudi dans la grande métropole du Bosphore. Istanbul a été à nouveau ébranlé, jeudi, par deux attentats suicide à la voiture piégée contre le consulat du Royaume-Uni et la banque britannique HSBC dans la grande métropole turque. Ces deux attentats surviennent quelques jours à peine après ceux ayant ciblé deux synagogues, le 15 novembre, dans cette même ville. Les premiers bilans des attentats s'établissaient à 27 morts, dont celle du consul général britannique à Istanbul, Roger Short, et à 450 blessés. Ces deux attentats ont été revendiqués dans la soirée de jeudi par d'une part Al-Qaîda et d'autre part le Front islamique des combattants du Grand-Orient (IBDA-C) le même qui assuma les attentats la semaine dernière contre les deux synagogues d'Istanbul. Après Israël la semaine dernière et l'attentat contre les lieux de culte israélites, les attentats de jeudi ciblent directement la Grande-Bretagne en s'en prenant à sa représentation diplomatique et à son image économique en visant l'une de ses plus prestigieuses banques asiatiques, la HSBC (la Hong Kong Shanghai Banking Corporation), autrement dit le Royaume Uni est frappé dans sa diplomatie et dans son économie. L'émotion était grande hier à Londres ou la presse titrait que «La Grande-Bretagne était attaquée». le secrétaire britannique au Foreign Office, Jack Straw, a indiqué dans une déclaration à radio BBC que les attentats contre les intérêts britanniques n'étaient pas liés, selon lui, à la participation de la Grande-Bretagne à la guerre en Irak, affirmant «Si nous n'étions pas intervenus en Irak, je suis persuadé que les atrocités commises par Al-Qaîda et ses associés auraient atteint le même niveau, ils auraient trouvé une autre excuse et nous aurions toujours à combattre le terrorisme». Aussi, selon lui, «L'idée selon laquelle ce qui est arrivé jeudi serait en quelque sorte la conséquence (de la participation britannique à la guerre en Irak) est un non-sens absolu (...)». Ce qui n'est pas l'avis de nombre d'analystes qui estiment qu'il y a quelque part un rapport entre la situation en Irak et les quatre attentats qui ont visé la Turquie en moins d'une dizaine de jours. Il est évident que Al-Qaîda prend date en organisant directement, ou en commanditant, les derniers attentats, rapprochés dans le temps, tant en Turquie qu'en Arabie saoudite. En ciblant deux pays musulmans réputés pro-occidentaux, et en attaquant les intérêts occidentaux dans ces pays, l'organisation d'Oussama Ben Laden semble reprendre un second souffle montrant que les coups qui lui ont été donnés n'ont pas ébranlé ses assises. De fait, en Turquie les attentats semblent avoir été sous-traités par un groupe islamiste turc très violent réputé avoir été démantelé en 1993, le groupe IBAD-C, ou Front islamique des combattants du Grand-Orient. Donc après plusieurs années de flottement ce groupe refait surface associé, semble-t-il à l'organisation terroriste internationale Al-Qaîda. A Istanbul, selon les premiers éléments de l'enquête deux voitures piégées ont explosé à cinq minutes d'intervalle devant le consulat britannique et la banque HSBC. Le ministre turc des Affaires étrangères Abdallah Gul a indiqué hier à la presse que plusieurs arrestations ont été opérées parmi de présumés terroristes. D'autre part, selon la presse turc d'hier, les deux kamikazes auteurs de l'attaque suicide ont été identifiés et faisaient déjà l'objet de recherche dans le cadre des attentats contre les synagogues. Selon le quotidien Hurriyet il s'agirait de deux hommes, Azad Ekinci et Feridun Ugurlu. Faisant écho à la presse britannique qui titrait hier que la Grande-Bretagne était «attaquée», la presse turque faisait porter la responsabilité de ces attentats à l'organisation de Ben Laden accusant «Al-Qaîda en guerre avec la Turquie». Les pistes explorées par la presse turque étaient nombreuses, cependant, selon un éditorialiste turc, «Le choix de la Grande-Bretagne, le plus proche allié des Etats-Unis en Irak, montre que le message à quelque chose à voir avec l'Irak». Alors que les services de renseignements britanniques et turcs ne se doutaient de rien avant l'attentat, les services du ministère britannique des Affaires étrangères ont fait savoir jeudi soir que leurs services étaient en possession d'informations indiquant la possibilité de nouveaux attentats contre les intérêts du Royaume-Uni, mettant en garde les ressortissants britanniques. De leur côtés les services américains, qui avaient averti leurs ressortissants de l'imminence d'une attaque en Arabie saoudite disent n'avoir disposé d'aucune information pour les attentats en Turquie indiquant «Nous ne l'avons pas fait dans ce cas (mise en garde) parce que nous n'avions pas cette information» a déclaré le porte-parole adjoint du Département d'Etat, Adam Ereli, à la question de la presse devant le silence de Washington qui n'a pas mis en garde les Américains comme il avait coutume de le faire. Ce qui ressort des derniers évènements et de la recrudescence de la violence terroriste, est le fait que les Etats-Unis ont mal posé le problème de la lutte contre le terrorisme, en en faisant un cas personnel d'une part, d'autre part en en faisant d'emblée une question de leadership qui a induit une rupture dans le front de lutte anti-terroriste et le décalage intervenu entre Washington et les principales puissances mondiales sur la crise irakienne. Il apparaît bien qu'aujourd'hui le terrorisme n'est plus l'affaire d'une nation ou d'un groupe de nations, mais interpelle l'ensemble de la communauté internationale pour l'éradication de ce phénomène d'une manière globale et réfléchie sous la supervision des Nations unies. Car le terrorisme international tel qu'il se manifeste aujourd'hui n'est pas l'ennemi spécifique d'un Etat donné mais celui de l'ensemble des pays du monde.