Alors qu'à Bamako on est encore à la recherche d'un gouvernement d'union, à Gao, dans le nord, la «police islamique» s'installe L'ultimatum fixé par les voisins ouest-africains du Mali pour la formation d'un gouvernement d'union nationale arrive à échéance hier. Il est attendu cependant que le président par intérim Dioncounda Traoré, qui a repris la main depuis son retour à Bamako, devrait bénéficier d'un délai de grâce. La décision de fixer au 31 juillet un ultimatum au pouvoir de transition à Bamako pour qu'il forme un cabinet ayant l'assise suffisante pour reconquérir le Nord, occupé par les islamistes liés à Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi) où ils appliquent la chari'â, avait été prise le 7 juillet. Réunis à Ouagadougou, des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etat d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), excédés par l'impuissance du Premier ministre Cheick Modibo Diarra à agir face aux exactions commises dans le Nord, mais aussi à Bamako par des hommes de l'ex-junte militaire au pouvoir, avaient menacé de ne plus le reconnaître et d'exclure son pays de la Cédéao. La donne a changé avec le retour à Bamako le 27 juillet du président par intérim, Dioncounda Traoré, après une convalescence de deux mois à Paris à la suite d'une très violente agression commise dans son bureau à la présidence par des manifestants hostiles à son maintien au pouvoir. Deux jours après son retour, le président Traoré a prononcé un discours à la Nation rassembleur, presque unanimement salué au Mali, dans lequel il a annoncé la création de nouveaux organes de la transition pour tenter d'enrayer la crise et précisé qu'il se chargerait lui-même de former le gouvernement d'union exigé. «L'essentiel est fait. L'essentiel est que le président soit rentré, qu'il se soit adressé à la Nation sur la nécessité de mettre en place des organes de transition, dont le gouvernement d'union nationale», a estimé lundi Djibrill Bassolé, ministre burkinabé des Affaires étrangères dont le pays conduit la médiation dans la crise malienne au nom de la Cédéao. M. Traoré devrait saisir ses pairs de la région qui lui accorderont «certainement» un «délai supplémentaire» pour former son cabinet, a-t-il ajouté. Il y urgence, car les groupes islamistes armés qui occupent tout le nord du pays, soit plus de la moitié de son territoire, y appliquent de manière de plus en plus brutale la chari'â. Dimanche dans la localité d'Aguelhok, contrôlée par le groupe Ansar Dine et Aqmi, ils ont lapidé un couple non marié devant une foule d'environ 200 personnes amenée par eux. C'est le premier cas de mort par lapidation rapporté dans le nord du Mali où des couples illégitimes, des buveurs d'alcool, des fumeurs, ont été fouettés en public dans plusieurs villes, notamment à Tombouctou, également contrôlée par Ansar Dine et Aqmi. Ils y ont en outre détruit des mausolées de saints musulmans, provoquant l'indignation au Mali et à l'étranger. Le gouvernement malien a dénoncé hier la lapidation du couple d'Aguelhok, la qualifiant de «pratique obscurantiste» qui ne restera pas impunie. Il a lancé «un appel pressant aux forces vives du pays, aux organisations sous-régionales, régionales et internationales, pour qu'elles se mobilisent en vue d'accélérer le rétablissement de l'intégrité territoriale du Mali». La Cédéao est disposée à envoyer au Mali une force de quelque 3.300 soldats - logistiquement soutenue par plusieurs pays occidentaux - mais attend la demande formelle du pouvoir de transition à Bamako, ainsi qu'un mandat du Conseil de sécurité de l'ONU. Les trois grandes villes et régions administratives du nord du Mali - Tombouctou, Kidal et Gao - sont tombées aux mains des islamistes à la faveur d'un coup d'Etat commis le 22 mars contre le président Amadou Toumani Touré (ATT). Les putschistes, dirigés par le capitaine Amadou Haya Sanogo, ont remis le pouvoir aux civils en avril, mais restent omniprésents à Bamako où ils ont commis de nombreuses exactions contre des personnalités supposées proches d'ATT.