Amar avait été surpris en plein vol dans le port. Son avocat, lui, prêche... Un trentenaire, Amar, avait été surpris en train de voler dans l'enceinte du port d'Alger. Debout au box, il nie le méfait. Pourtant, le dossier est autre. Le procureur Ali Saïki, depuis le pupitre, demande une peine d'emprisonnement ferme. Son avocat plaide à l'orientale; une plaidoirie qui avait fait son effet au Moyen-Orient. Allant à contresens du rapport des policiers, du procès-verbal d'audition, du parquet surtout, le conseil s'était engagé dans une langue arabe académique comme seuls les Syriens, les Irakiens, les Egyptiens emploient aisément sans crainte d'être contredits. Il usera de la langue nationale des juges de l'époque islamique de l'aube, prenant des citations du Meilleur Homme de l'univers (Qsssl) autour du délit de vol. Le vol, fait prévu et puni par l'article 350 du Code pénal est constamment combattu par le législateur armant ainsi nos magistrats qui appliquent sans battre des cils, la loi, l'unique, celle qui devrait pousser l'inculpé dont la culpabilité aura été prouvée à la barre, au repentir après avoir écopé et purgé une lourde peine. Ali Kaddour, le président avait, non pas été agacé par la longue plaidoirie sèche, mais surtout par le contenu et les mots débités par le plaideur qui ne voulait plus sortir de la première terre d'Islam, celle de Koreïch, juste pour arracher une relaxe faute de preuves et de témoins, comme le veut la loi, le plus simplement du monde. Le reste n'est que bavardage inutile... Et pour démontrer au juge, au procureur et à l'assistance, sa large culture islamique d'où il est vrai et juste, émane le Code pénal algérien, du moins, une large partie. Et dans l'intervention pédagogique de l'avocat brun, il y avait des citations allant de l'Envoyé d'Allah (Qsssl) à Khadidja, Aïcha Omar, Ali et la majorité des compagnons. Le président, peut-être était amusé d'apprendre des «citations», mais son regard, à un moment donné de la plaidoirie voulait dire ceci: «Maître, je vous en prie. Nous respirons encore l'air des pétards du Mouloud. De grâce, revenez au 350 et de ses effets. Mais cessez de plonger dans la religion qui est parmi nous depuis XV siècles!» Le juge du siège était certes silencieux, mais il y a des tics qui ne trompent. Outre le fait de gigoter sur la chaise et la moue de Ali Saïki, le jovial représentant du ministère public, qui disaient long sur l'étalage en longueur de l'intervention dont on ne retiendra qu'un hadith précis, vérifié et colporté tous les vendredis pour tendre la perche aux jeunes, tentés par Satan. Précis, vérifié et répété, ce hadith dispose, entre autres, que «L'Envoyé d'Allah (Qsssl) avait préconisé «de couper la main qui a volé le bien d'autrui». Nos juges n'iront pas jusque-là, se contentant d'appliquer les termes de l'article 350 du Code pénal, un code franchement super-étoffé pour qu'on aille jusqu'aux actes où le sang doit couler pour un délit qui existe depuis la nuit des temps. Le président de la section correctionnelle du tribunal de Sidi M'hamed - Alger a bien su mener les débats de ce voleur surpris dans l'enceinte du port et condamné à une peine ferme de deux ans. Il aura tout le temps de méditer sur son absurde acte...