Le rapport qu'entretiennent les gens avec la problématique du changement a sensiblement évolué dans le monde arabe ces dernières années. On est passé de l'interrogation «pourquoi il n'y a pas de changement ?» à la question de savoir «pourquoi le changement maintenant ?». C'est le constat préliminaire fait par Nacer Djabi, enseignant de sociologie à l'université d'Alger, au cours d'une conférence-débat dont l'intitulé a été emprunté de son livre «Pourquoi le printemps algérien a-t-il tardé ?», édité récemment chez Chihab. Sur le cas algérien, le conférencier est formel : la contestation sociale, de plus en plus visible, n'a pas pu dépasser le stade de la quantité. Elle peine, dira t-il, à atteindre la qualité. Et quand cette contestation ne produit pas du sens politique, le régime n'aura pas de mal pour la contourner. Sa carte a un nom : la rente. M. Djabi pose aussi la question du «modèle de révolution» qui ne fait pas encore consensus aussi bien chez les élites que chez les populations. Il distinguera à ce sujet deux scénarios de changement où l'un s'opère par des voies pacifiques et l'autre par la violence. Le conférencier fera remarquer à ce propos que les révolutions tunisienne et égyptienne ont été marquées par deux changements relativement souples et rapides. A contrario, en Libye, comme c'est toujours en cours en Syrie, la violence a dominé le processus avec toutes les conséquences néfastes que cela génère, particulièrement le risque de fragmentation des pays gagnés par le vent du changement. Toujours au registre des distinctions, l'universitaire souligne que «autant les révolutions tunisienne et égyptienne ont suscité l'admiration et la sympathie des Algériens, autant les scénarios libyen et syrien ont légitimé des appréhensions». Et c'est à partir de ce constat de différenciation que l'orateur posera d'autres questions. Le changement est-il possible sans porter atteinte à l'Etat-nation ? Les régimes tyranniques en place ont-ils de la souplesse pour que le changement puisse s'opérer sans violence ? Sur ces questions, l'universitaire Nacer Djabi reprend une thèse selon laquelle «les Arabes ne changent pas et quand il y a changement, on désigne la main de l'étranger». Une explication que le conférencier n'approuve pas. Il estime à ce propos qu'il y a une tendance qui amplifie le poids des facteurs internationaux sur ce qui se passe actuellement dans certains pays du monde arabe. Pour M. Djabi, «il n'y a pas de déterminisme. Les rapports internationaux ne sont pas le facteur déterminant bien qu'ils pèsent sur la suite des événements». L'invité d'Algérie News est convaincu que le changement, tel que souhaité à l'abri des facteurs extérieurs, ne va pas se produire dans «un vide international». C'est pour cette raison, défend le conférencier, que ce sont les facteurs internes qui déterminent (ou empêchent) le changement. Il évoquera la structure et la composante du pouvoir, la cohésion de la société, la structuration des partis politiques… A. Y.