L'Aïd El Fitr oblige des familles entières à visiter tous les marchés en quête de la bonne affaire. «Il me faut les recommandations des économistes de la Banque mondiale pour que je puisse gérer mon salaire à l'occasion des achats des vêtements de l'Aïd El Fitr», a affirmé un jeune employé de l'administration locale. Et ce dernier d'ajouter amèrement que «la couche sociale défavorisée, éternellement confrontée aux aléas de la chute du pouvoir d'achat et la cherté des prix, n'arrive plus à joindre les deux bouts ces dernières années vu la conjoncture de plusieurs événements en pleine saison estivale, Ramadhan, Aïd El Fitr et rentrée scolaire». Le mois sacré de Ramadhan tire à sa fin emportant, sans aucun doute, toutes ses traditions inhérentes aux dépenses excessives exigées par sa cuisine gourmande. Mais, un autre événement, avec son lot de grosses dépenses, pointe, sans aucune minute de retard, au rendez-vous. Il s'agit de l'Aïd El Fitr qui interpelle des milliers de familles algériennes à le célébrer. Mais à quel prix? A Oran, et à l'instar du reste du pays, le branle-bas de combat a commencé avec les achats des vêtements. Plusieurs dizaines de familles commencent à se mettre, de jour comme de nuit, en quête de la bonne affaire à réaliser, histoire d'économiser quelques sous. Le soir, les rues commerçantes Larbi Ben M'hidi, Khemisti, Mohamed et l'avenue de Choupot, connues pour leurs boutiques d'habillement et de chaussures de marque, grouillent de monde dès la Hrira du Ftour avalée. Peu de familles sortent des magasins avec les mains chargées tandis que les autres quittent les lieux, toutes déçues, aussitôt les tarifs annoncés par les vendeurs et les vendeuses guidés par le patron qui se charge exclusivement d'encaisser la douloureuse dans le petit coin situé à l'entrée de la boutique. Le barème des achats est connu par le commun des Oranais. «Il faut dépenser une moyenne de 10.000 DA pour chacun des enfants à habiller le jour de l'Aïd», tenait à indiquer le jeune Ali Sahraoui ajoutant que «les adultes, eux, se voient obligés de faire repasser leurs habits chez le pressing du coin en versant une somme de 150 DA contre chaque habit déposé». Si les familles occupant les somptueuses villas des cités résidentielles des Palmiers et celles de Saint-Hubert s'offrent le luxe de s'approvisionner aux prix chocs affichés dans les boutiques chic de l'avenue de Choupot et celles de la rue Larbi Ben Mhidi, ou même dans les grands magasins espagnols après avoir séjourné plusieurs semaines dans les plus belles plages ibériques, celles de la classe moyenne se ruent sur le gigantesque marché populaire de Mdina J'dida, question d'apitoyer «les barbus» du coin, commerçants spécialisés dans le commerce ponctuel. Plusieurs milliers de familles, celles des «gueux», ne s'embarrassent pas quand il s'agit de se lever très tôt le matin pour se rendre dans le plus grand souk «d'El Bala», marché populaire de la friperie qui est situé dans le quartier de Savignon, tout près du quartier populaire d'El Hamri. Ces familles, en quête de la bonne affaire, engagent une course effrénée pour prendre part à l'ouverture des gros ballots d'habits importés de l'Europe. Les plus chanceux peuvent aisément tomber sur des habits et chaussures moins usés et parfois même neufs, à des prix abordables oscillant entre 250 et 500 DA la pièce. «Les maires, les élus locaux, les députés, les sénateurs et leurs familles ignorent l'existence à Oran du marché des gueux», a ironisé un citoyen rencontré au marché d'El Hamri. Les habits de la friperie sont vendus un peu partout dans la wilaya d'Oran tandis que le marché de Savignon demeure imbattable pour les bonnes affaires qu'il offre.