Paradoxalement, un jean cédé à 2000 DA à M'dina Jedida est coté 3500 DA dans les boutiques de Choupot et celles de Larbi-Ben M'hidi. «La mode a changé d'épaule», c'est ce qu'a indiqué Mohamed, père de cinq enfants qui a adopté un nouveau mode d'achat, roder dans le marché de la fripe de Savignon, acheter des habits utilisés qu'on peut, grâce au repassage et autres astuces, rendre agréables. Les enfants sont exigeants tandis que le budget, sa globalité a été dépensée durant les premiers jours de Ramadhan. Dépenser pour chaque enfant une moyenne de 8000 DA en achats d'habits neufs est inconcevable et impossible pour la majorité des familles oranaises. Aussi, la friperie constitue l'unique recours laissant les boutiques chic, aux prix chocs de Larbi Ben M'hidi et Choupot aux occupants des somptueuses villas des Palmiers, Saint Hubert, Maraval, Canastel et Point du jour. Au marché de la fripe de Savignon, c'est l'engouement. Ce même flux s'accentue particulièrement à l'approche de rituels religieux et autres occasions comme la rentrée scolaire. Wine el harba wine, cette prophétie de Cheb Khaled s'applique à la lettre dans une ville aux mille contrastes où les riches s'enrichissent davantage et les pauvres s'appauvrissent de plus en plus. D'un autre côté, harcelés par leurs progénitures, les quelques pères, frimeurs, se mettent dans mille et un engrenages pour habiller, dans les normes, leurs enfants à partir des boutiques haute de gamme de Choupot. «Si le père cède aux caprices de ses enfants, il doit systématiquement obéir à la sentence infligée par le commerçant», expliquent les connaisseurs des escroqueries commerciales de circonstance. Si certains parents se permettent de faire plaisir à leurs enfants, d'autres se voient obligés de contourner les rues Larbi Ben M'hidi et l'avenue Choupot pour atterrir au géant marché de M'dina Jedida connu pour ses prix abordables. Des dizaines de milliers de familles s'approvisionnent, sans pour autant saigner davantage le petit budget mensuel. Paradoxaux sont les prix appliqués à Oran, les cours des vêtements sont si divergents dans les deux trois marchés qui se disputent inlassablement le terrain. Un jean cédé à 2000 DA à Djedida est vendu à 3500 DA dans les boutiques de Choupot. Une paire de basket vendue à 5000 DA dans les boutiques de Larbi Ben Mhidi est cédée à 300 DA à M'dina Jedida. Dans cette cacophonie infernale des prix, plusieurs dizaines de familles s'habillent dans les boutiques de friperie. Tant qu'il y aura la fripe.