Si le baril se défend plutôt bien jusqu'à maintenant, tous les indices plaident pour la prudence malgré l'embellie. Le prix du baril de pétrole qui est aujourd'hui à 29 dollars, après avoir atteint le pic des 33 dollars risque de connaître une chute brutale, historique, dès le printemps 2004, annoncent des observateurs. si les prix du baril ont pu être maintenus à une fourchette honorable grâce à de judicieux mécanismes de régulation, cela doit-il pour autant pousser à un optimisme béat? Le bon sens dicterait plutôt la prudence. D'autant plus que le scénario n'est pas nouveau pour l'Algérie, vu qu'elle en a déjà fait l'expérience au milieu des années quatre-vingts, lorsque le baril cotait 40 dollars sur les marchés internationaux et qu'au lieu de préparer l'avenir, le gouvernement de l'époque s'était laissé détourner des réformes structurelles indispensables par le chant des sirènes pressées d'ouvrir le pays à la consommation. Comme la cigale de la fable, le pays «se trouva fort dépourvu quand la bise fut venue», moins de deux ans plus tard, sous la forme d'une dégringolade abrupte des prix pétroliers. Avec les conséquences que l'on connaît: récession, endettement, rééchelonnement, etc. malgré l'embellie conséquente et le rééchelonnement de 1999, la dette algérienne est loin de s'être stabilisée. Elle tourne actuellement autour de 25 milliards de dollars. Alors que selon les données disponibles de la Banque mondiale, les remboursements devraient se situer encore aux alentours de 5 milliards par an jusqu'en 2006 et en dépit des réserves de change qui ont atteint leur seuil record alors qu'elles accusaient fin 1999 leur niveau le plus bas avec 4,4 milliards de dollars, ce qui procure à l'Etat une réelle bouffée d'oxygène, elles sont loin d'avoir résorbé les misères de la société algérienne. Outre le taux de croissance qui demeure faible et insuffisant pour enrayer le chômage et améliorer le niveau de vie des Algériens, de grands chantiers à réformer souffrent encore d'attente. Citons celui de la Fonction publique dont est tributaire la rétribution de milliers de salariés et de fonctionnaires. Il reste à ce jour la chasse gardée du président de la République sur injonction des instances financières internationales. Par conséquent, les pouvoirs publics ne font qu'adopter des solutions, au cas par cas, pour atténuer l'impact du brasier social, particulièrement les revendications salariales brandies par de nombreux syndicats autonomes qui se substituent de plus en plus à l'Ugta qui n'est plus que l'ombre de ses glorieuses années passées. Tout ceci pour dire que l'après-2004 sera loin d'être une sinécure pour le pouvoir: croissance limitée, perspectives de diversification des exportations encore floues, augmentation de la population active et taux élevé de chômage, avec la pauvreté comme conséquence, continueront à être une source constante de pression pour relâcher davantage la rigueur budgétaire. Les analyses les plus sérieuses prédisent une persistance des tensions sociales, d'où la nécessité de persévérer dans l'effort de réforme et de relance économique déjà entrepris. Non pas en alimentant indéfiniment le tonneau des Danaïdes que sont les entreprises publiques moribondes mais en poursuivant les réformes économiques entreprises dès 1998 auxquelles est étroitement liée la relance de l'investissement productif et des projets de partenariat avec l'étranger. La priorité consiste à utiliser de manière rationnelle et efficiente l'excédent en devises pour relancer le processus de réformes économiques destinées à améliorer le rendement des diverses institutions ou administrations en charge de la gestion des affaires économiques et assurer un cadre de vie meilleur pour la population. Car, en cas de retournement de sort, il va falloir aux plus hautes instances du pays, faire face à une institution financière et non des moindres: la Banque mondiale, détentrice d'un programme d'assistance à l'Algérie, et de laquelle parviendront des rapports très critiques sur une gestion pratiquée durant tout un mandat.