Désormais, il appartient au pouvoir de trouver une solution à cette crise. Le dernier ultimatum lancé par les archs s'apparente dans le fond et dans la forme à une tentative de «calciner» la Kabylie et de porter un coup à plusieurs partis politiques pour avoir pris part aux dernières élections locales en dépit du rejet décidé par l'instance du mouvement citoyen. C'est aussi une façon de forcer la main au pouvoir pour une réponse aux exigences des archs. A ce propos, des rumeurs persistantes font état de l'éventualité d'installation, dès le début du mois de décembre, de délégations aux lieu et place des assemblées locales actuelles. La dernière rencontre de l'interwilayas, qui a pris fin samedi, a été sanctionnée par un ultimatum fixé au pouvoir quant à sa réponse à la prise en charge des incidences consignées lors du conclave de Raffour, et ce, avant la date-butoir du 3 décembre, soit la veille de la reprise des travaux du conclave interwilayas laissé ouvert. Sur les six incidences, celle qui risque a priori de poser un problème sur le plan politique, reste incontestablement celle liée à la dissolution des assemblées élues. D'ores et déjà, le pouvoir est mis devant le fait accompli et ne dispose que d'une dizaine de jours pour apporter une réponse favorable aux doléances des délégués. De ce fait, le gouvernement d'Ahmed Ouyahia se retrouve en mauvaise position à quelques mois de la prochaine présidentielle d'avril 2004. Ouyahia a-t-il les moyens et les prérogatives pour répondre positivement à ce préalable dans le but de prouver la bonne foi du président de la République, qui avait invité les délégués authentiques à un dialogue serein à partir de Sétif, ou bien, a-t-il les coudées serrées? Si aucune anticipation n'est plausible pour le moment sur la volonté des pouvoirs publics de donner une suite favorable, il est utile de rappeler que depuis son dernier appel et les 20 milliards de dinars octroyés aux trois wilayas de la région, rien n'a été fait de nature à dissiper les malentendus. Concernant le dernier préalable des archs, certains observateurs de la scène politique s'accordent à dire que le point relatif à la dissolution de toutes les assemblées élues, loin de répondre aux aspirations de l'opinion locale ne visent ni plus ni moins que d'assener un coup au FFS et au FLN. En effet, cette dissolution telle qu'exigée par les délégués sera synonyme de champ libre pour les partisans de Bouteflika afin d'accaparer des appareils de l'Etat dans l'éventualité de gérer à leur avantage la prochaine consultation électorale. A ce sujet, Karim Tabboune, porte-parole du FFS, dira: «On ne peut segmenter la crise à une région, d'autant plus qu'elle est nationale.» Continuant son analyse de la situation, Tabboune n'hésite pas à accuser avec des propos à peine voilés les différents partis de la région d'être le relais du pouvoir. «Il y a manipulation à grande échelle pour casser le FFS qui dérange de par ses prises de position. D'ailleurs, le dialogue est confié à une structure qui s'affirme par la surenchère aux lieu et place des partis politiques», soutient-il. «En outre, cette structure tente de se réaffirmer par la menace», a-t-il ajouté avant de poser le problème autrement: «Cette dissolution concerne-t-elle uniquement les APC et APW de la région ou bien la demande est-elle nationale?» Dans les deux cas de figure, il est fort possible que les élections anticipées n'aient pas lieu avant la présidentielle d'autant que le président de la République est acculé de partout et qu'il n'est pas prêt de lâcher du lest. De leur côté, d'ores et déjà, les délégués du mouvement citoyen ont opté pour le boycott de la présidentielle d'avril 2004 comme réponse à la non-prise en charge desdites incidences. D'ailleurs, lors du dernier conclave de Raffour, les participants avaient entériné le principe de l'acceptation du dialogue pour la mise en oeuvre de la plate-forme d'El-Kseur et les incidences évoquées et y interpeller le pouvoir pour la prise en charge de ces mêmes incidences. C'est de cette manière que les archs comptent renvoyer la balle dans le camp du pouvoir et le mettre au pied du mur. Dans ce document rendu public, l'interwilayas met en garde les pouvoirs publics quant aux conséquences pouvant découler de la non-satisfaction de cet ultimatum et déclare qu'ils devront assumer seuls les conséquences d'un mutisme dans lequel ne cesse de se confiner le pouvoir central. Même s'il a affiché son désir de résoudre la crise de Kabylie dans l'espoir de décrocher un second mandat à la magistrature suprême, le Président n'a jamais fait le moindre geste concret. Mais il est fort possible qu'il se ravise dans l'espoir de baliser le terrain en vue de la prochaine présidentielle. Un tel scénario est peu plausible de la part d'un pouvoir ayant, jusqu'à l'heure actuelle, cultivé la politique de l'usure et de la répression pour se découvrir aujourd'hui les vertus d'un pouvoir accaparé par l'avenir de son peuple.