L'ancienne Cirta n'arrête pas de compter ses projets toujours dans les cartons Le pont géant que les Brésiliens s'apprêtent à livrer aux Constantinois en contrepartie d'un énorme budget, traîne en longueur et en largeur. Avec le temps et au rythme d'un ambitieux projet de modernisation, l'Université des sciences islamiques Emir-Abdelkader et la mosquée éponyme ont fini par rejoindre le panorama général tout en demeurant un des symboles d'une ville qui a hérité du titre glorieux de «Cité des savants et du savoir», mais qui n'a pas pu ou su le préserver des contorsions du temps et de la géographie constantinoise. Et dans peu de temps, elle sera certainement surclassée par le style futuriste du pont géant. Confié à un groupe de construction brésilien, ce viaduc, longeant oued Rhummel et long de plus de 1150 m, joindra El Fedj, quartier de la périphérie Est, au plateau du Mansourah sur les hauteurs de la ville. On raconte qu'il sera un véritable joyau, une fois totalement réalisé, et qu'il va élargir la dimension aérienne de Constantine; mais personne n'est en mesure d'identifier l'origine de ce projet et s'il avait fait l'objet d'un large débat au niveau de l'APW et si celle-ci avait daigné consulter l'avis d'un électorat local qui ne compte qu'en voix. Inscrit au programme de modernisation destiné à transformer radicalement le visage de l'antique Cirta par Abdelmalek Boudiaf, l'ancien wali actuellement en poste à Oran, ledit projet sort de terre mais il avance lentement. Au vu de la situation actuelle des chantiers, tout indique malheureusement qu'il ne sera pas livré dans les délais prévus par le contrat; c'est-à-dire en juin 2013. Conçu initialement sur la base d'une estimation financière tournant autour de 15 milliards de dinars, le transrhummel vient de faire récemment l'objet d'une étude de revalorisation, une pratique courante en Algérie qui dénote une certaine mentalité approximative, et a vu sa dotation financière atteindre le double de ce qui a été prévu. Selon des responsables du projet, des modifications techniques ont été imposées en cours de réalisation. La facture de ces modifications est évaluée à hauteur de 14 milliards de dinars! Il est tout à fait normal que certains coûts évoluent selon le marché, mais une augmentation de presque 100% pour une infrastructure de cette dimension, ça dépasse toute logique. Le simple citoyen est en tout cas insensible à ce genre d'explication, puisqu'il n'a pas le droit de savoir tous les détails concernant les modalités de dépense de l'argent public. Selon de nombreux Constantinois, la ville et la wilaya auraient dû faire l'économie de ces immenses ressources en les consacrant par exemple à d'autres projets de moindre coût et qui aurait permis de résoudre définitivement le problème de la circulation routière et du transport, véritables fléaux qui perturbent gravement la croissance urbanistique de la capitale de l'Est. «On aurait pu réhabiliter et renforcer le réseau ferroviaire et les trains de banlieue», pensent beaucoup de citoyens considérant que le pont géant constitue une énième dépense de prestige qui ne règlera aucun problème. En plus des dégâts écologiques causés au niveau de la forêt du Mansourah, un autre sujet que les autorités locales ont toujours éludé, le pont géant que les Brésiliens s'apprêtent à livrer aux Constantinois en contrepartie d'un énorme budget, traîne en longueur et en largeur. Et il n'est pas le seul, puisque celui du tramway est presque dans la même situation. Tous ceux qui estiment qu'il n'est pas la solution adaptée à la configuration géologique de Constantine ont été obligés de se taire. La réalisation de l'itinéraire long de 9 km liant la cité Zouaghi, du côté de l'aéroport, au centre-ville, avance à un rythme aléatoire. Et son éventuelle extension vers la nouvelle ville Ali Mendjeli demeure encore problématique. Confié à une entreprise italienne pour un montant initial de 28 millions d'euros, le projet avance très laborieusement. Idem pour le complexe sportif prévu aux environs de Guettar El Aïch sur la route de Batna, la nouvelle ville universitaire entamée en 2008 et dont le délai de réalisation avait été fixé à 24 mois mais qui va certainement être partiellement livrée à l'occasion de la prochaine rentrée universitaire, le futur parc de loisirs de Zouaghi qui vient de faire l'objet d'un second appel d'offres et la nouvelle aérogare en souffrance depuis une décennie. Et ce n'est pas tout. Les Constantinois, qui sont en train de vivre le calvaire avec tous ces chantiers ouverts en même temps dans une ville qui manque atrocement d'espace, auraient été en mesure de supporter tous les désagréments, si au moins la Seaco, l'entreprise de gestion de l'eau gérée par la société des Eaux de Marseille avait rempli son contrat. Chargée d'assurer un approvisionnement en continu de l'ensemble de la wilaya en plus de la réalisation d'une grande école de formation dans les métiers de l'eau, la SEM «navigue à vue» à une année de l'expiration de son contrat de management. De nombreux quartiers vivent encore au rythme du rationnement et des pénuries d'eau potable; des dizaines de fuites sont toujours signalées au centre-ville et dans la périphérie, alors que dans le domaine du transfert du savoir-faire, rien n'a été fait. Que dire alors des autres projets annoncés en grande pompe par Abdelmalek Boudiaf comme par exemple la réalisation d'une cité d'affaires ultramoderne au quartier dit Le Bardo, le «boulevard des cliniques», la résidence d'Etat et le fameux CHU régional pour lequel il avait convié les professeurs en médecine afin d'accueillir leurs propositions? Qu'est-ce qui a été fait et qu'est-ce qui a été annulé? Devant l'effacement total des élus locaux et le mutisme des autres responsables, les Constantinois ne sont pas près d'avoir des réponses à ces questions. En attendant la clôture de l'opération dégourbisation qui, elle aussi, accuse du retard, et les prochaines élections locales, ils sont condamnés à faire contre mauvaise fortune bon coeur, en regrettant que Constantine ait frappé à la mauvaise porte de la modernité.