Sept agents des services secrets espagnols et deux diplomates japonais ont été tués samedi. Deux attentats ont ciblé, samedi soir à quelques heures d'intervalle, à Suwaira, (au sud de Bagdad), un convoi transportant des militaires espagnols et à Mukayshifa (à 15 km de Tikrit au Nord de Bagdad) deux diplomates japonais. A Suwaira, le convoi transportant des agents des services secrets espagnols a été attaqué au RPG et à la grenade faisant sept morts et un blessé léger. Dans la localité de Mukayshifa, des inconnus ont tiré sur les diplomates nippons qui s'étaient arrêtés pour manger. Une troisième victime était relevée, il s'agit d'un Irakien qui accompagnait les deux Japonais. Ces attentats contre des membres de la coalition internationale présente en Irak surviennent au lendemain même de la visite secrète en Irak du président Bush, et démentent les propos rassurants, sinon lénifiants, tenus par le chef de l'administration américaine. Ainsi, après l'Italie, c'est au tour de l'Espagne et du Japon d'être ciblés par la résistance irakienne qui ne semble pas faire de distinguo entre les forces américaines et britanniques et tous ceux qui les renforcent dans leur occupation. Novembre aura été un mois terrible pour les forces étrangères en Irak. Le bilan montre que le retour de la sécurité clamé par les officiels américains n'est qu'illusoire. De fait, durant cette période de référence, il y a eu 49 soldats américains tués, dont deux hier à la frontière avec la Syrie, 19 carabiniers italiens, 7 agents secrets espagnols, 2 diplomates japonais un soldat polonais, au total un chiffre macabre de 78 étrangers tués, auquel il faut ajouter la vingtaine d'Irakiens morts durant cet intervalle de novembre. Ce qui est beaucoup pour un pays en voie de «pacification». Certes, la communauté internationale condamne fermement cette nouvelle série d'attentats en Irak, mais reste le fait que ce pays est aujourd'hui totalement livré aux méfaits de la guerre. Une guerre, chaque jour un peu plus tangible, quoiqu'en disent les Américains. En Espagne et au Japon c'est l'émotion qui domine, d'autant plus que les opinions publiques espagnole et japonaise - en porte-à-faux des positions de leurs dirigeants - étaient contre la participation de leurs pays à la coalition internationale. A Tokyo, la ministre des Affaires étrangères, Mme Yoriko Kawagushi, a réitéré hier la détermination du Japon à ne pas céder, indiquant: «Nous ne céderons jamais au terrorisme», affirmant: «Il s'agit d'un incident intolérable. Notre position de base envers une contribution positive à la reconstruction de l'Irak ne bougera pas». A Madrid c'est le même langage qui est tenu. «L'Espagne est fermement engagée pour la paix en Irak et au Proche-Orient et ne renoncera pas à son engagement avec le peuple irakien», a déclaré hier le secrétaire général du Parti populaire (PP, au pouvoir), Mariano Rajoy, candidat désigné à la succession du chef du gouvernement José Maria Aznar. Mais, ce ton ferme ne trompe pas et la presse espagnole, très remontée, s'interroge sur le double jeu du gouvernement Aznar lorsque celui-ci affirme que les soldats espagnols se trouvent en Irak en mission humanitaire, alors qu'en l'espace de deux mois, 10 agents de renseignements des services secrets espagnols ont été tués en Irak. Ainsi, le plus important quotidien madrilène El Mundo, s'interrogeait hier, se demandant «Combien y a-t-il d'Espagnols en Irak en train d'assurer les fonctions similaires à celles des victimes, en marge du contingent officiellement reconnu?» (selon le ministère espagnol de la Défense, il y a 1 300 soldats ibériques en Irak). «Quelle était la mission des victimes?», (agents des services de renseignements), poursuit El Mundo, «réalisaient-elles un travail d'appui à la brigade Plus Ultra (hispano-sud-américaine) ou s'agissait-il d'une autre mission sous le commandement de la coalition?», se demande encore le journal. En réalité, les attentats de ce week-end contre des ressortissants espagnols et nippons indiquent surtout que la situation en Irak est loin d'être aussi claire que l'avancent les officiels américains. A contrario, les conditions rocambolesques dans lesquelles le président Bush effectua son déplacement secret en Irak, le temps minima - deux heures et demie - que resta le président américain en Irak - confiné dans l'aéroport de Bagdad - pour un voyage aérien de 26 heures, montrent, outre d'autres paramètres qu'il reste à connaître, que la sécurité dans ce pays n'est pas aussi évidente que l'on tente de le faire accroire, mais elle a plutôt tendance à se dégrader. De fait, la presse américaine n'a guère été convaincue par les explications officielles sur ce voyage clandestin de leur président. Selon les deux grands quotidiens américains, le New York Time et le Washington Post, le voyage de Bush aura surtout «révélé la triste situation en Irak» même s'ils concèdent qu'il a été un «grand coup médiatique» Ainsi, la contexture inhabituelle de ce voyage est soulignée par le Washington Post que «le président ait dû emprunter une voiture banalisée, décoller et atterrir dans l'obscurité la plus totale et qu'il n'ait même pas pu dire à l'avance aux membres de sa famille qu'il se préparait à aller à Bagdad, en dit long sur la sécurité». Les opérations de la guérilla contre les forces de la coalition lors du mois écoulé, et les attaques de samedi, juste après le passage éclair du président américain en Irak, dévoilent que le bourbier irakien prend chaque jour un peu plus de consistance.