Si le film Zabana! avait été réalisé en 1981, Mitterrand n'aurait jamais porté les socialistes au pouvoir. L'avant-première du film Zabana! de Saïd Ould Khelifa, jeudi à la salle El Mougar, a une nouvelle fois relancé la question de la repentance de la France pour ses crimes commis en Algérie. Au-delà de son aspect cinématographique et artistique, Zabana! est avant tout un film politique, que l'Algérie va porter sous ses bras pour dénoncer une nouvelle fois les crimes de la colonisation française dans le passé. Une phrase du film résume à elle seule la fin de la colonisation française dans la région, un prisonnier répondait au chef de la prison Barberousse en déclarant: «Le drapeau français couvrait dans le passé toute l'Afrique, aujourd'hui il couvre à peine la tête de Mahmoud.» Cette réplique a été longtemps saluée par le public. Mais ce qui a suscité le plus l'indignation de l'assistance lors de la projection du film, c'est surtout la position anti-algérienne de l'ancien président socialiste François Mitterrand. Cette superproduction a révélé surtout, pour la première fois au cinéma, le rôle joué par François Mitterrand, alors ministre de la Justice à l'époque, dans la Guerre d'Algérie. Le 15 février 1956, le gouvernement français vote l'usage de la guillotine contre les nationalistes algériens, condamnés à la peine capitale. Ce jour-là au palais de l'Elysée, René Coty préside le Conseil des ministres. Le Premier ministre Guy Mollet procède à ce moment au vote des membres du Conseil des ministres pour l'approbation de la sentence de mort contre les deux premiers militants du FLN condamnés à mort. Et cette scène capitale du film démontre avec l'image et le son, la position politique de l'époque de certains ministres du gouvernement français. Ainsi, le ministre de la France d'outre-mer, Gaston Defferre, le ministre d'Etat, Pierre Mendès-France et le secrétaire d'Etat aux Affaires marocaines et tunisiennes, Alain Savary avaient voté contre l'exécution de Zabana et de Ferradj, alors que Maurice Bourgès-Maunoury, ministre de la Défense nationale et des Forces armées, Félix Houphouët-Boigny, ministre délégué à la présidence du Conseil et François Mitterrand, avaient voté pour l'exécution d'Ahmed Zabana et son compagnon. C'est la position anti-Révolution algérienne de l'ancien président français Mitterrand et de l'Ivoirien Félix Houphouët-Boigny, qui a suscité l'indignation des Algériens dans la salle El Mougar. Mitterrand, qui avait fait justement de la suppression de la peine de mort son point d'orgue politique pour gagner l'élection présidentielle de 1981, était en fait un partisan de la peine de mort durant la Guerre d'Algérie. Si le film Zabana! avait été réalisé en 1981, Mitterrand n'aurait jamais porté les socialistes au pouvoir. C'est le sentiment général de la grande majorité des anciens condamnés à mort et des résistants de la première heure, de la Révolution algérienne, qui étaient présents dans la salle. Il y avait notamment Djamila Boupacha, Mustapha Satel, compagnon de prison de Zabana, Fadela Mesli, Mme Khalfallah, Yvette Maillot, voisine de quartier de Fernand Yveton premier Français exécuté à la guillotine durant la Guerre d'Algérie et surtout Meriam Belmihoub Zerdani, qui cria dans la salle Tahya El Djazaïr. A côté de cette pléiade de révolutionnaires, des membres du gouvernement étaient présents pour apporter un soutien officiel du gouvernement algérien au film: Mme Toumi, ministre de la Culture, qui a soutenu ce film dès son lancement, Nacer Mehal, le ministre de la Communication, le président de l'APN, Mohamed Larbi Ould Khelifa, les anciens ministres Tayeb Louh et Hamraoui Habib Chawki qui avait contribué au lancement de ce projet quand il était alors DG de l'Entv, mais aussi Halim Benatallah, secrétaire d'Etat chargé de la Communauté algérienne à l'étranger et représentant de Medelci à cette projection. Ce film était surtout une occasion pour les gens du cinéma et de la télévision de découvrir ce chef-d'oeuvre. Ahmed Rachedi, l'auteur des inoubliables L'Opium et le Bâton et Benboulaïd dira notamment à propos: «C'est le film que j'aurais souhaité faire», un compliment pour le réalisateur Saïd Ould Khelifa, le scénariste Azzedine Mihoubi et le producteur Yacine Laloui, qui ont travaillé durant quatre ans pour arriver à cette date du 30 août. Car le 19 juin 1956, Ahmed Zabana, trente ans, est exécuté à l'aube. La lame s'arrêtera deux fois, avant de décapiter, à la troisième tentative, celui qui deviendra le premier guillotiné de la Guerre d'Algérie. Au moment où l'Algérie fête le Cinquantième anniversaire de l'Indépendance, la France fête le Cinquantième anniversaire de la fin de la Guerre d'Algérie et l'exécution de 222 militants algériens par guillotine!