Les restes de pneus brûlés et les barricades de pierres jonchaient la route Les affrontements entre les jeunes de plusieurs localités de la commune de Mizrana se poursuivaient encore depuis deux jours. Dans la journée d'hier, le calme semblait précaire. Du bâtiment qui allait servir de nouvelle brigade de la Gendarmerie nationale ne restait que l'ossature en ferraille. Elle a été totalement détruite. Les murs ont été démolis alors que les traces du feux et de la fumée étaient encore visibles sur les lieux. Les restes des pneus brûlés et les barricades de pierres jonchaient encore la route. Des jeunes se rassemblaient en petits groupes sur la route. Les discussions s'animaient dans les cafés avoisinants. Les véhicules de passage étaient rares à s'aventurer jusqu'à la pompe à essence du coin car la nouvelle des émeutes s'est répandue dans toute la wilaya. Cependant, comme l'ont clairement expliqué les gens à qui nous nous sommes adressés, personne ne veut savoir les vraies raisons de cette colère qui a débordé. Une immersion au milieu des gens explique en fait les causes. Les témoignages des jeunes émeutiers éclairent suffisamment. Aucun responsable ne veut nous recevoir Ce n'est ni parce que les habitants de la région refusent l'installation d'une brigade de gendarmerie ni pour des raisons «bidons» comme l'absence d'internet. Ecoutons plutôt les concernés s'exprimer. En fait, les élus et les représentants de l'administration n'ont pas vu venir cette colère. A la Crête, la majeure partie de la population est venue s'installer de plusieurs communes limitrophes comme Boudjima, Makouda, Mizrana. La constitution de cette localité n'a pas été suivie et organisée administrativement. «Je ne sais pas où aller demander mes droits. Je viens de terminer la construction de ma maison, je suis de la commune de Boudjima, mais ce lieu dépend administrativement de la commune de Mizrana», explique un homme à la quarantaine visiblement perdu dans ce labyrinthe administratif. «Oui, on habite dans ce coin perdu mais les communes ne s'intéressent qu'aux populations qui sont proches des chefs- lieux» renchérit son compagnon. «Nous n'oublierons jamais la détresse que nous avons vécue lors de la tempête de neige du mois de février dernier. Loin de tous les chefs-lieux, les responsables ne se sont intéressés à nous que lorsque nous avons perdu l'essentiel de notre cheptel et nos poulaillers, après le retour du beau temps, quoi», raconte un autre jeune visiblement déçu. Ce sentiment d'abandon enflait comme une boule de neige à mesure que la densité démographique grandissait. La Crête, aujourd'hui est une grande agglomération qui se situe sur un carrefour reliant Tigzirt, Makouda, Mizrana et Boudjima. Une clinique à la place d'une brigade Les témoignages s'accordaient sur le fait que l'origine de la colère n'est pas comme le supputent certains, le manque d'Internet. «Nous ne sommes tout de même pas aussi bêtes. Des émeutes pour l'Internet alors que nous n'avons rien du tout. Allons! allons!», tranche un agriculteur de métier. Les jeunes expliquent leur colère par l'absence d'écoute. «Nous avons maintes fois demandé une audience aux responsables locaux, mais ils n'ont jamais daigné nous recevoir. Nous avions des demandes urgentes à leur transmettre» explique un autre. «Vous savez que nos malades meurent sur la route de l'hôpital. Nous avons longtemps attendu un centre de soin. A la fin, on nous ramène une brigade de gendarmerie», tonne un homme. «Comme si nous sommes un village de brigands. Nous n'agressons personne ici» poursuit un autre. «Nous voulons que les gens sachent que ce n'est pas la brigade de gendarmerie que nous refusons. Nous voulons tout simplement les choses les plus urgentes comme des écoles, des centres de santé, des maisons de jeunes et des lieux de loisirs. Une fois que nous avons tout ça, une brigade de gendarmerie ou un commissariat viendront», explique un homme à la cinquantaine. Enfin, il est clair que si la brigade de gendarmerie a été la cible des jeunes en colère, il n'en demeure pas moins que les responsables locaux n'ont pas été épargnés par les critiques. Jusqu'à hier, le siège de la daïra de Tigzirt demeurait encore fermé pour le troisième jour. Les émeutes s'arrêtent le jour et reprennent le soir avec des arrestations et des remises en liberté, mais les vraies raisons de la colère sont ailleurs. Dans la gestion des communes, des daïras, de la démocratie participative qui écoutent et associent les citoyens pour le diagnostic des problèmes réels et les solutions consensuelles. Les jeunes réclament le départ du chef de daïra Les jeunes de plusieurs villages de la Crête demandaient, hier, le départ du chef de daïra de Tigzirt dont dépend administrativement leur localité. Selon des sources locales, il lui est reproché les refus de recevoir des jeunes qui voulaient lui transmettre leurs doléances concernant plusieurs problèmes vécus par leur localité. Jusqu'à hier dans l'après-midi, les émeutes n'ont pas repris près de la brigade de gendarmerie. La circulation automobile n'était pas à son habituelle densité. les évènements des deux jours précédents ont vraisemblablement influé.