La torture chez notre voisin de l'Ouest semble avoir la peau dure Les six militants du Mouvement du 20 février condamnés le 12 septembre à des peines de prison ferme allant de 8 à 10 mois seraient passés aux aveux sous la torture. Le Royaume chérifien serait-il rattrapé par ses vieux démons? Il y a eu Tazmamart, Derb Moulay Chérif et maintenant la «Carcel Negra» (prison noire) et de simples commissariats devenus des lieux de tortures anonymes... La torture est une caractéristique qui a longtemps collé à l'image du trône marocain. Un rapport publié le 17 septembre par Human Rights Watch montre que le Maroc n'a pas rompu avec cette pratique tout en accablant sa justice. La torture chez notre voisin de l'Ouest semble avoir la peau dure. Elle ne concernerait pas que les militants des droits de l'homme sahraouis. Six militants marocains du Mouvement du 20 février condamnés le 12 septembre à des peines de prison ferme allant de 8 à 10 mois seraient passés aux aveux sous la torture. Human Rights Watch donne l'information et déplore un procès «qui pourrait se révéler inéquitable». «Le tribunal a envoyé des manifestants en prison sur la base de confessions qui pourraient avoir été obtenues sous la torture, tout en refusant de convoquer les plaignants pour s'exprimer devant le tribunal», déplore Eric Goldstein, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. Leurs témoignages recueillis par l'Organisation américaine ne laissent aucun doute sur ce terrible moyen pour extorquer des aveux. «Un des accusés, Tarek Rouchdi, 29 ans, a déclaré qu'au poste, les agents l'avaient déshabillé et lui avaient inséré des doigts dans l'anus», d'après le procès-verbal. Un autre, Youssef Oubella, 23 ans, a déclaré que «les policiers lui avaient arraché les cils, l'avaient déshabillé et lui avaient inséré des doigts dans l'anus». Samir Bradli, 34 ans, a déclaré «qu'ils l'avaient battu et lui avaient arraché les cils», souligne le rapport de HWR. Des déclarations accablantes qui témoignent d'une justice soumise et aux ordres. «Quand les tribunaux marocains commenceront à traiter de façon adéquate les allégations d'usage de la torture pour obtenir des preuves, et s'assureront que les accusés ont l'occasion d'interroger les plaignants et tous les témoins appropriés au tribunal, ils ne garantiront pas seulement des procès plus justes, mais ils enverront également un message aux policiers: ils doivent cesser d'user de méthodes irrégulières pour extorquer des confessions», conseille et fait remarquer Eric Goldstein. Les fantômes ressurgissent. Abraham Serfaty a payé de dix-sept années de prison, son opposition au régime de Hassan II. Ses compagnons de lutte, telle Saïda Menebhi, professeur d ́anglais à Rabat, qui a été arrêtée le 16 janvier 1976, est une des figures les plus attachantes et les plus emblématiques du mouvement «Ilal Amam». Un mouvement politique, d ́inspiration marxiste-léniniste fortement implanté dans le milieu étudiant et qui avait pour particularité de soutenir ouvertement le droit du peuple sahraoui à l ́autodétermination. Saïda Menebhi a été internée dans le sinistre centre de Derb Moulay Cherif où elle a été torturée. Jugée à Casablanca en janvier 1977, avec 138 autres inculpés pour atteinte à la sûreté de l ́Etat, elle réaffirme sans sourciller son soutien à la cause sahraouie. Elle écope de sept ans de réclusion notamment pour injure au procureur du roi après avoir dénoncé la condition de la femme au Maroc. Incarcérée à la prison de Casablanca, elle s ́est éteinte le 11 décembre 1977 après 34 jours de grève de la faim faute de soins appropriés. Elle était âgée de 25 ans. «Notre sang coule goutte à goutte», a murmuré Abdellatif Zeroual, philosophe, poète et membre de la direction nationale d ́Ilal Amam, avant de rendre son dernier souffle en 1974, sous la torture, dans les geôles du Derb Moulay Chérif, le tristement célèbre centre de détention du Royaume chérifien. Amine Tahani a rendu l ́âme lui aussi sous la torture le 6 novembre 1985...La liste est longue. Celle des six manifestants du Mouvement du 20 février torturés puis emprisonnés vient rappeler que le flambeau a été repris. Le peuple marocain renoue avec ses traditions de lutte pour la liberté même si les forces chargées de la répression ont la torture dans le sang...