«Il y a de meilleurs prosateurs algériens ici qu'en France» «Il n'y a pas de littérature de l'urgence» fera remarquer l'auteur de Le café de Gide, Hamid grine. Samedi 29 septembre. Dernier jour du Salon du livre. Les acheteurs sortent avec des sacs pleins, tandis que certains stands se vident à vue d'oeil. Il est connu que le dernier jour, quelques éditeurs revoient leurs prix du livre au rabais et le cassent parfois jusqu'à moitié de leur prix. Mais ceci n'est qu'une minorité. Alors que le salon ne se désemplit pas de visiteurs, les salles de conférence crient famine tant leur silence demeure strident, cherchant âme attentive désespérément. A la salle Ali Maâchi, les animateurs de l'ultime conférence du Sila 2012 s'interrogent. Fera-t-on ou pas la conférence?, par respect pour quelques personnes présentes dans la salle, la conférence aura bel et bien lieu non sans quelques heurts. En effet, après le préambule on entame la table ronde, sur un thème bien pompeux, faut-il le noter, «les nouvelles écritures algériennes», une dame se lève et sort, non sans apostropher les auteurs communicateurs en proférant de façon prémonitoire: «Les écrivains sont tous des menteurs et des vendus!». Et la table ronde de reprendre de plus belle devant un Hamid Grine quelque «peu traumatisé» -d'après ses dires- histoire de détendre l'atmosphère. Ce dernier a d'emblée distingué plusieurs tendances dans l'écriture algérienne. La tendance «pastiche» et une autre qui «a rompu avec les écritures de Mohamed Dib et Kateb Yacine notamment, qui se veulent «en rupture d'opposition par le pouvoir, à l'Islam, en bien ou en mal. Elle fait sciemment dans la provoc.» Et d'ajouter cela dit: «Certains écrivains qui vivent ici sont d'excellents prosateurs et meilleurs que certains qui vivent là-bas, en France». Pour l'auteur de On dirait le Sud, Djamel Mati les nouvelles écritures en Algérie ont apparu dans les années 1990, avec cette appellation de «littérature de l'urgence» qui s'est estompée après les années 2000. «Ils photographient l'instantané des atrocités qu'ont connues les algériens durant la tragédie nationale par des témoignages directs, limites journalistiques. A partir de 2000, de nouvelles écritures sont apparues, qui se distinguent par un nouveau style dont celles de Hamid Grine, mais aussi Kamel Daoud, M.Benfodil etc. Une écriture qui n'est pas vraiment identifiée. Ces écrivains essayent d'être à la page, modernes...» a-t-il soulevé. Pour l'écrivain arabophone, Hadjer Kouidri, ce «concept d'écrivain de l'urgence est inacceptable et non avenu, car, estime-t-elle, l'écriture est quelque chose de solitaire qui prend son temps sans subir de contrainte ou de contrôle politique si ce n'est l'influence de son environnement social.» Elle énumérera aussi trois sortes d'écrivains: celui boosté par le ministère de la Culture, celui qui se fait éditer après obtention d'une récompense ou celui suivi par un bon éditeur qui croit en lui. «le texte ne peut être urgent. J'ai ma spécialisé algérienne. L'écriture est une expérience qui jouit de sa propre liberté..» partageant le même avis, Hamid Grine dira qu' «il n y a pas de littérature de l'urgence...» Pour El Kheir Chouar, la littérature de l'urgence est effectivement née dans les années 1990 et ressemble aux reportages, aussi au roman français post seconde guerre mondiale.» Pour l'écrivain Fatima Baakhai, ce n'est pas aux auteurs de dire s'il existe ou pas de littérature de l'urgence, mais aux critiques qui ont tendance souvent à mettre des étiquettes. Pour l'auteur de Dounia, la littérature arabophone depuis Tahar Ouettar et Abdelhamid Benhaduga est en constante évolution et son style est percutant à la différence de la littérature francophone. Elle citera aussi d'autres auteurs arabophones traduits vers le français comme Amine Zaoui qui représente pour elle «un écrivain qui est complètement en avant-garde». Pour elle, les auteurs en langue arabe forment aujourd'hui une certaine élite, une voix plus ouverte sur le monde, grâce aux jeunes post révolution. «Nous devons plus investir dans la traduction. Je suis persuadé que le renouveau littéraire et son génie viendront du Monde arabe», a-t-elle fait remarquer. A cela, Hamid Grine répondra que le talent «n'a pas de langue». Et de regretter encore une fois que les grands écrivains algériens, entre 1954 et 1962, ne se soient pas engagés résolument contre le colonialisme en le condamnant dans leur écrit pendant la guerre de Libération. «Je n'ai pas vu d'oeuvres résolument indépendantistes. Je n'ai pas vu de roman de la trempe de Guerre et paix..». Et de renchérir: «l'écrivain qui a été le plus offensif est Albert camus, or ce n'était pas un anticolonialiste mais était pour une Algérie autonome reliée à la France». Qu'est-ce qui a empêché un auteur algérien de mettre carrément le pied dans le plat? Nedjma de Kateb Yacine est un roman allégorique. Jean Sénac a été contre le colonialisme et a même rompu avec Camus..» Si on n'est pas obligé d'écrire comme les autres, bien évidemment, pour Djamel Mati «les écrivains russes ou français on les subit indirectement dans nos écrits de par nos différentes lectures. Un écrivain est un créateur d'émotion. C'est très flou la frontière. Le romancier doit être le réceptacle de toutes les émotions...»