Le harcèlement des troupes américaines se poursuit dans différentes régions de l'Irak. Un soldat américain et un responsable kurde ont été tués hier à Mossoul, ici même où la veille, mardi, une soixantaine de soldats américains ont été blessés suite à deux attentats suicide de la guérilla irakienne. Lors de cette même journée du mardi, un hélicoptère de reconnaissance américain a été visé par une attaque de la résistance, dans la région de Falloudjah, contraignant l'appareil à un atterrissage d'urgence alors que ses deux occupants étaient blessés. L'activité de la résistance irakienne, quoique moins incisive, ne s'est pas pour autant ralentie, semblant se concentrer sur Mossoul et sa région, sans doute pour desserrer l'étau des forces de la coalition sur Bagdad. De fait, les affirmation de l'état-major américain, sont démenties quotidiennement par les actions de la guérilla, alors que les officiers militaires américains soutenaient qu'à l'exception de Bagdad, le reste du pays était calme et «sous contrôle». La multiplication des opérations à Mossoul, nord de l'Irak, ces derniers jours indiquent au contraire une certaine mobilité de la guérilla qui choisit ses cibles et ses lieux d'attaque. De fait, la question de la maîtrise de la situation sur le terrain semble de plus en plus excéder les officiels américains, comme vient de la montrer le chef d'état-major américain, le général Richard Myers, lequel répondant à une question de la presse s'exclame «les forces de la coalition étaient en train de gagner la guerre en Irak, malgré la poursuite des attaques la visant», assénant «Je dirais que nous sommes en train de gagner. Je veux dire, c'est clair, nous sommes en train de gagner», lâcha-t-il, agacé par le scepticisme affiché par ses interlocuteurs. A Bagdad, le Conseil irakien de transition a décidé la création d'un tribunal irakien, chargé de juger spécialement les «crimes de l'ancien régime» indiquait, hier, Mouaffak Al-Roubai, membre de cette instance provisoire irakienne. Dans son intervention devant la presse, il a déclaré que «le Conseil de gouvernement (transitoire) a approuvé cette nuit (mardi) la création d'un tribunal pénal irakien pour juger les crimes contre l'humanité commis par les anciens membres du régime de Saddam Hussein». Ces crimes, précise M.Al-Roubai, «incluent ceux perpétrés contre la République islamique d'Iran, contre l'Etat du Koweït et contre les fils du peuple irakien, qu'ils soient arabes, kurdes, turcomans, assyriens, chiites ou sunnites entre le 17 juillet 1968 (date d'accession de Saddam Hussein au pouvoir suite à un coup d'Etat) et le 1er mai 2003 (fin des opérations de guerre majeures de la coalition américano-britannique)». Outre ce tribunal, d'autres sources du Conseil transitoire ont annoncé la création d'une unité irakienne de sécurité composée de 700 anciens militaires et policiers ayant exercé sous le régime déchu. Cette unité, dont le Pentagone a confirmé hier la création sera, selon la même source du Conseil transitoire, «une étape dans le processus de transfert du dossier de la sécurité des mains de la coalition aux Irakiens». L'autre fait dominant hier l'actualité irakienne, est le mémorandum rendu public mardi à Washington qui exclut des appels d'offres lancés pour la reconstruction de l'Irak, les sociétés françaises, allemandes, russes et canadiennes notamment. Justifiant cette décision le secrétaire adjoint à la Défense, Paul Wolfowitz, indique dans une circulaire, datée du 5 décembre que, selon lui, «il est nécessaire pour la sécurité et les intérêts essentiels des Etats-Unis de limiter la concurrence pour ces contrats de base (à la reconstruction) à des sociétés des Etats-Unis, d'Irak, des partenaires de la coalition et des nations ayant envoyé des troupes». Sans réagir officiellement, la France a néanmoins laissé entendre que Paris «étudie» la légalité des mesures décidées par Washington excluant des firmes françaises de la reconstruction de l'Irak, selon un porte-parole du ministère français, Hervé Ladsous, qui indique «Nous étudions la compatibilité de ces décisions avec le droit international de la concurrence, en liaison avec nos partenaires concernés, notamment l'Union européenne et la Commission». Les Britanniques non plus ne sont pas rassurés, et craignent -eux qui ont été exclus de l'attribution de contrats de la première phase, contrats réservés exclusivement aux sociétés américaines- d'être à nouveau oubliés par les Etats-Unis, comme l'indique le chef de la mission britannique à Bagdad, Christopher Segar, selon lequel, «la reconstruction de l'Irak est un effort multinational», soulignant qu'«il y a beaucoup d'inquiétudes sur le fait que d'importantes sommes de l'argent voté par le gouvernement américain pour la reconstruction de l'Irak restent inaccessibles aux entreprises britanniques et à celles des sociétés d'autres pays». De fait, les Etats-Unis qui se sont réservés la part du lion dans la reconstruction de l'Irak risquent dans les semaines et mois à venir d'enclencher un nouveau bras de fer avec les contestataires des méthodes américaines en Irak. Notons que, selon des sources onusiennes, le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, va désigner le Néo-zélandais, Ross Mountains, au titre de représentant intérimaire de l'ONU, qui assurera l'intérim de Sergio Vieira de Mello, tué le 19 août dernier à Bagdad.