Vingt morts dans des attentats à Kerbala parmi les forces multinationales. La journée d'hier a été marquée par deux fortes explosions ayant pour cible l'université de Kerbala qui abrite, outre le Q.G. d'une division multinationale commandée par la Pologne, le siège du gouvernorat de Kerbala. De fait, le gouverneur de Kerbala, Akram Al-Yasseri, qui se trouvait dans ses bureaux, au moment des explosions, compte parmi les blessés, qui indiqua à la presse qu' «une voiture piégée ou une roquette est à l'origine de l'explosion». Selon des responsables de militaires américains, il y a eu 20 morts parmi les forces de la coalition et 102 blessés entre Irakiens et soldats étrangers. De nombreux étudiants figurent aussi parmi les blessés. D'autre part, il a été enregistré la mort d'un soldat américain et des blessures pour un second soldat américain, selon les déclarations d'un docteur attaché à l'hôpital de Kerbala. Ce qui est curieux en le fait qu'un commandement militaire soit installé dans l'enceinte d'une université avec tous les risques qui en découlent pour les étudiants dans la situation qui est celle de l'Irak. Pour les Américains, il n'y eut pas de trêve des confiseurs, qui continuent d'être harcelés par la guérilla irakienne. Les forces américaines ont perdu, au cours des trois derniers jours, huit soldats dans différentes attaques contre des QG de l'armée américaine d'occupation. Par ailleurs, quatre Irakiens qui avaient attaqué hier, à Mossoul, une patrouille américaine ont été tués lors de l'accrochage, selon des sources proches de l'armée américaine. Pendant ce temps l'opération «poigne de fer», entamée mardi par les forces d'occupation américaines, se poursuivait hier encore dans de nombreuses villes de la périphérie de la capitale irakienne. Toutefois, les espoirs américains de voir diminuer la résistance irakienne, après l'arrestation de Saddam Hussein, ne se sont pas concrétisés sur le terrain. A contrario, plusieurs actions sanglantes sont à mettre à l'actif de la guérilla irakienne depuis le 19 décembre, jour de l'arrestation de l'ancien président irakien. Au plan politique a été enregistrée, cette semaine, la remontée à la surface des sunnites irakiens, alors marginalisés et quelque peu dépassés par les événements qui ont marqué l'occupation de leur pays le 9 avril dernier. Ainsi, les sunnites tentent de s'organiser pour ne point commettre l'erreur de laisser le nouvel Irak se construire sans eux. Dans cette perspective une réunion rassemblant quelque 130 personnalités, regroupant des arabes, des kurdes et des turcomans de la communauté sunnite ont constitué un Conseil consultatif (majliss echoura) qui devra travailler à faire valoir les droits des sunnites et aussi pour faire des propositions. L'imam cheikh Ahmed Al-Dabbach, membre de ce Conseil, indique à ce propos «Nos droits sont bafoués, notre représentation au sein du Conseil transitoire est insuffisante et nous ne participons pas à la vie économique et commerciale» soulignant «Nous avons été marginalisés car nous n'avons pas accepté l'occupation et avons refusé de traiter avec elle, alors que les chiites et les Kurdes ne partagent pas cette position». Cheikh Mehdi Ben Ahmed Ben Salah, chef d'une association salafiste, affirme quant à lui «Notre rôle est marginalisé car nous nous accrochons aux principes de notre religion en refusant de traiter avec l'occupant, contrairement à d'autres qui ont mis leur main dans celle de l'occupant». Sur l'autre versant de la crise irakienne, la Turquie s'inquiète de plus en plus de l'activisme kurde, mettant en garde contre toute initiative remettant en cause l'intégrité territoriale de l'Irak. Affirmant que «personne ne peut avoir le droit de pousser l'Irak et la région dans une nouvelle aventure», Ankara, dans une seconde mise en garde, en quelques jours, avertit: «L'intégrité territoriale de l'Irak intéresse de près la Turquie. Tout développement susceptible de porter atteinte à la future stabilité de l'Irak de provoquer un déséquilibre entre les différentes ethnies de ce pays (...) et d'empêcher l'établissement d'une harmonie.» En fait, Ankara comprend mal l'activisme des Kurdes qui veulent imposer au Conseil transitoire de gouvernement un fédéralisme qui ferait la part trop belle aux Kurdes. D'autant plus que, selon Ankara, un Etat fédéral kurde en Irak peut avoir des répercussions (négatives) sur le développement de la situation dans la région et singulièrement le Kurdistan turc, (où fut menée une rébellion contre le pouvoir central de 1984 à 1999). Moqtada Sadr, chef religieux chiite irakien, se mêle de façon impromptue à la querelle franco-française autour du foulard et de la laïcité, proposant une «fatwa» -qui serait promulguée par Najaf (centre spirituel des chiites irakiens) Qom (centre spirituel des chiites iraniens) et Al Azhar (Egypte)- appelant au boycott des produits français.