Le 20 octobre 1970, le signataire de l'Extrait de naissance de l'Algérie indépendante a été retrouvé assassiné dans sa chambre de l'hôtel Intercontinental de Frankfurt. Quarante-trois ans après son assassinat, étranglé avec sa propre cravate dans sa chambre «d'hôtel Intercontinental de Frankfurt», le nom de Krim Belkacem, signataire des accords d'Evian qui mettront fin à 132 ans de colonisation, est toujours banni de l'Histoire officielle. Au point où sa vie semble s'être arrêtée à l'Indépendance. Ainsi, Krim, qui s'est détourné d'une vie confortable pour adhérer au PPA clandestin, a consacré une bonne partie de son activité à créer et former des groupes de l'Organisation spéciale (OS), en Kabylie, avant de devenir l'un des piliers de la Révolution algérienne. Il incarne de par sa stature, sa compétence, son élégance, son expérience, mais surtout sa maturité et son engagement, l'homme qui signera l'Extrait de naissance de l'Algérie indépendante. Alors que pour le régime de Ben Bella et de Boumediene, le «Lion des djebels» constituait un danger pour leur «stabilité», d'autant plus qu'il était connu pour être intransigeant. Ainsi, même étant mort, Krim, le Lion ferait encore peur au régime. Rien que l'évocation de son nom disait le Dr Mohamed Maïz, ex-secrétaire général du Mouvement démocratique pour le renouveau algérien (Mdra), parti créé par Krim et dissous durant les années 1990, le régime algérien se rappelle d'un crime d'Etat que personne n'est près d'oublier. Le mystère de son élimination reste entier. Un assassinat politique continue de susciter des interrogations et d'alimenter les débats. Car, évoquer le rôle patriotique du plus vieux chef de la Wilaya 3 historique, c'est démystifier la guerre de Libération. Une révolution qui a été honorablement menée par le peuple, mais confisquée et détournée à des fins personnelles. Que dire de Krim Belkacem en tant qu'homme? Que c'était, dès son jeune âge, un militant politique anticolonialiste, fermement engagé et responsable dans les rangs de l'OS, en organisant dans la clandestinité les futurs djonouds de l'ALN. «Krim Belkacem, était un grand homme qui s'est sacrifié pour que le peuple algérien jouisse de son indépendance et sorte vainqueur de la longue nuit coloniale», a témoigné dans une déclaration à L'Expression son compagnon, le porte-parole de la délégation du Gouvernement provisoire de la République algérienne (Gpra) à Evian, M.Reda Malek. Krim un des fondateurs du FFS Le Lion des djebels faisait, en effet, partie de ceux qui de l'action politico-militaire clandestine, sont passés à l'action armée pour l'émancipation du peuple algérien. Ne s'arrêtant pas là, il a continué son combat politique après l'Indépendance pour libérer ses concitoyens des manipulations continuelles des groupes militaro-policiers, pour restituer à la nation sa mémoire, sa fierté et sa dignité et semer les grains de la démocratie, sur une terre arrosée par le sang d'un million et demi de martyrs. Ainsi, concernant la première assemblée constituante, créée au lendemain de l'Indépendance, constatant que le pays était dirigé d'une main de fer par Ben Bella, Krim a déposé sa démission de ladite Assemblée préférant ne pas cautionner la trahison du sang des valeureux martyrs de la Révolution de Novembre 1954. Et avant qu'il crée son propre parti pour s'opposer au régime de Ben Bella, le signataire des accords d'Evian était déjà parmi les membres fondateurs du Front des forces socialiste (FFS). Mais, il laissa néanmoins la leadership à d'autres, qui tenaient à avoir la mainmise sur les orientations du FFS. Krim Belkacem, qui côtoyait la mort depuis les années 40 connaissait bien son odeur et l'avait souvent défiée racontent des gens qui l'ont connu de près. Ainsi, après le coup d'Etat de 1965, lorsque Houari Boumediene a renversé Ben Bella, Krim croyait qu'il était possible d'espérer une certaine ouverture, et c'est ainsi qu'il prendra attache avec ses compagnons dont Amar Ouamrane, Slimane Amirat, Mohand Oulhadj, et Mourad Tarbouche pour créer en 1967 le Mdra. Néanmoins, Boumediene, affolé, déclara la chasse aux compagnons de Krim. Au rendez-vous de la mort. «Il y aura plus de 50 militants arrêtés dont Slimane Amirat» a témoigné l'ex-secrétaire du Mdra, ajoutant qu'en même temps, Boumediene créa «la fameuse Cour révolutionnaire d'Oran, mise sous l'oeil vigilant de Chadli Benjedid». Celle-ci s'est chargée, selon Mohammed Maïz, ensuite de lancer un appel au meurtre contre le Lion des djebels alors que tous les biens de Krim avaient été confisqués par le pouvoir d'alors, à l'issue du procès contre lui, tandis que sa villa sise à Alger a été squattée par la famille Messaâdia. Puis, la cours condamna à mort Krim et trois de ses compagnons: Amirat, Tansaout et Tarbouche Mourad. Ces deux derniers seront d'ailleurs, assassinés par la suite respectivement à Paris en 1970 et Tunisie en 1972. Le reste des militants se verront condamnés à des peines allant de 5 à 20 ans de prison ferme. «Il est du devoir de chaque citoyen algérien d'être l'auxiliaire de la justice en exécutant la sentence en tout lieu et en tout moment», a déclaré encore Mohamed Maïz. Après cette condamnation et cet appel, la chasse à l'homme a été donc déclarée officiellement et légalement et contre qui, ironie du sort, contre le Lion des djebels. Désormais, l'ordre est donné, et tous les moyens et chemins sont légalisés par le régime de Boumediene pour abattre Krim. Ainsi, avec la complicité des ennemis d'hier, l'assassinat de Krim a été programmé et exécuté, puisqu'il fut étranglé. Ainsi, il a été donc retrouvé mort le 20 octobre 1970, alors que deux jours avant, il avait reçu les envoyés du pouvoir. En quoi Krim Belkacem peut-il être aussi dangereux pour le régime de Boumediene, lui qui n'avait pourtant pas pris part à une quelconque conspiration que ce soit, et encore moins à un complot contre lui?