Un juge du siège peut-il travailler sereinement lorsqu'on l'informe de la présence au tribunal d'un inspecteur? Pas si sûr... Au moment où Maître Lamouri s'avança du pupitre où le président de la section correctionnelle du tribunal avait eu un jeu de paupières involontaires «comme pour s'adresser aux anges qui l'assistent: Non! Ce n'est pas possible. Encore ce renard à se farcir ce mardi! J'espère seulement qu'il n'a ni observations ni questions préjudicielles à introduire!» Puis le juge lâcha son premier sourire de cette journée d'octobre car la pluie avait annoncé la couleur quarante-huit heures plus tôt. Le détenu, lui, était franchement sur une autre planète. Il a une double inculpation: détention de came et détention d'arme blanche. Deux délits prévus et punis sévèrement par pour le premier, la loi 04-18 du 25 décembre 2004 relative à la prévention et à la répression de l'usage et du trafic illicites de stupéfiants et des substances psychotropes». Il faut vite préciser que nos juges du siège n'arrivent toujours pas à frapper là ou il faut car beaucoup d'entre eux ignorent le sens du mot: «Détention»..., et le second pour l'article «hard» de l'ordonnance 97-06 une loi qui combat fort les amateurs de larmes. L'avocat de Dar El Beïda fait mine comme si les deux délits ne sont en fait, que deux petites menues insignifiantes infractions qui peuvent valoir à leur auteur une toute petite mesure insignifiante amende et encore....Il sait par expérience que le port d'arme blanche est, selon des magistrats, souvent le fruit de l'insécurité. C'est ainsi que le port d'arme blanche est mal vu dans les quartiers et cités huppés. Et dans ce cas d'espèce, le défenseur de Aziz F. vingt ans vendeur à la sauvette ira jusqu'à s'appesantir sur le «métier» de son client: «Le justiciable est un petit marchand ambulant. Il lui arrive de revendre des produits à couper... -Comme la drogue par exemple...coupe le procureur au cour duquel Maître Lamouri sautera! -Vous, le privilégié en opportunité des poursuites n'avez pas le droit de m'interrompre. Je serais gré au président d'user de son autorité et de celle de la police de l'audience et permettre à la défense d'aller au bout de sa pensée!» explose sans ire remarquée le conseil qui reviendra rapidement sur le port d'arme blanche en affirmant que le» «gosse» ne l'avait pas sur lui mais dans le cageot où il avait de la monnaie. Au passage, le défenseur de Aziz F. s'était aperçu du geste de la tête effectué par le magistrat du siège en direction du représentant du ministère public comme pour l'inviter à ne plus prendre la parole sans l'autorisation du tribunal. Entre-temps, le détenu tremblait de toute sa carcasse en ayant assisté au coup de g... de son conseil croyant à une probable vengeance du juge en guise de représailles car dans le subconscient de tout justiciable non-initié, le procureur est le chef du juge ou encore que le président de section est le caporal du parquetier! oui, dans l'imaginaire et parfois dans la réalité. Or, cette journée pluvieuse aura été la réalité pour la justice. L'avocat a déployé d'immenses efforts pour atténuer le «mal» pondu par ce Aziz qui n'a pourtant pas une tête à claques mais qui a eu la malchance de tomber sur un juge du siège à qui on a dû souffler qu'un inspecteur était dans les parages et donc était sur ses gardes. Et lorsqu'un magistrat qui a en face de lui un inculpé de détention de came, il prendra toutes ses dispositions pour ne pas tomber dans ce que l'on appelle à la tutelle, le laxisme. Est-ce à dire qu'un bon juge est celui qui fait dans la répression? Mystère. En tout cas, Maître Lamouri est optimiste car la mise en examen du dossier peut être salutaire pour le gamin. Un sursis? Peut-être bien. Une relaxe? Jamais, au grand jamais on ne joue pas avec la came et ses cousins dérivés. L'avocat est plutôt partagé. Il attend.