Noémie Lvovsky est époustouflante de justesse, de simplicité et d'émotion dans ce rôle qu'elle a su incarner à la perfection. «Dis, quand reviendra- tu?» chantait Barabara... Quand on redouble une classe, l'on est sensé connaître les pièges de nos erreurs et les rectifier, vu qu'on connaît déjà la leçon par coeur, idem alors si on était amené, ramené à refaire sa vie? Et si, vous aussi vous pouviez refaire votre vie et «rembobiner» votre passé, vous feriez quoi? Pas si évident quand certains amours tenaces vous échappent des mains. Certains vous diront qu'ils sont prêts à refaire les mêmes bêtises. Mais en se reprenant sans doute différemment. Mais si c'est le cas, serions-nous plus indulgents avec l'autre ou et plus durs, avec soi-même? A déclaré le critique «Ce que je cherche dans un film, c'est moi, en rapport avec ce que je suis. J'aime voir quelle vision du monde me propose un film» a déclaré dimanche lors de la table ronde sur la critique de cinéma «Faire un film aujourd'hui» Jean-Marc Lalanne de la revue Les Inrockuptibles. Avec Camille redouble de la comédienne et réalisatrice Noémie Lvovsky toute cette phrase prend sens. Film fantastique que nenni plutôt existentialiste! Camille a 40 ans lorsqu'elle se sépare avec d'Eric qui la quitte pour une femme plus jeune. Avec Eric alias Samir Gesmi (acteur et réalisateur aussi) elle a eu une fille quand elle avait 16 ans. Le soir du 31 décembre, alors qu'elle est ivre d'alcool, Camille se trouve soudain renvoyée dans son passé. Elle est projetée 25 ans plus plutôt, et a de nouveau seize ans. Elle retrouve ses parents, ses amies, son adolescence...Nous sommes dans les années 1980, restituée selon les souvenirs de Camille, pleines de musique et de couleurs, des années faites de gaieté et d'insouciance. Mais comme on n'échappe pas à sa destinée, Camille va croiser au lycée Eric. Va-t-elle fuir et tenter de changer leur vie à tous deux? Va-t-elle l'aimer à nouveau alors qu'elle connaît la fin de leur histoire? Camille va revivre les premiers moments de flirt avec celui qui deviendra plus tard son mari et rejouera sur scène cette pièce qui l'a fait se rapprocher de lui. Il est question d'amour et de déchirement. Camille est le prénom en fait du personnage interprété dans On ne badine pas avec l'amour d'Alfred de Musset, la pièce maitresse de chevet de la réalisatrice/comédienne a-t-elle avoué lors du débat qui a suivi la projection. Traversée de mise en abyme tout au long du film, ce dernier débute par une scène de tournage au présent, et se poursuit par cette pièce sur laquelle la vie de cette femme va basculer et se voir se rejouer notamment sur les choix judicieux de distanciation qui paradoxalement nous fait plus ressentir ces personnages en plongeant ainsi dans leur psychologie intime, comme une sorte de miroir réflecteur de qui sommes- nous et pourquoi on existe. Changeons -nous avec l'âge? si le corps subit, lui, des métamorp- hoses? Peut-être qu'on apprend à accepter plus facilement la vie et ses aléas. Avec philosophie et sagesse. De la maturité?. Mais celle-ci est-elle signe de renoncement, de résignation ou de résistance? les deux à la fois peut-être?. Dans Camille redouble, l'héroïne du film finit par faire un travail d'introspection sur elle-même et recouvrer la paix de l'âme. Nous la retrouvons en fin de parcours, apaisée, prête à assumer les tristes moments de son passé comme la mort de sa mère et le départ de son mari... De la sérénité pour pouvoir de nouveau avancer sur les chantier de la vie. Entre comédie drôle et fable mélancolique Camille redouble est une oeuvre, profondément lyrique et poétique. Elle est d'autant plus haute en couleur qu'elle suggère les effets du temps qui passe et sa force rédemptrice sur l'être humain, avec ses moments de grisaille et de bonheur, de chaleur mais de noirceur aussi. Noémie Lvovsky est époustouflante de justesse, de simplicité et d'émotion dans ce rôle pourtant qu'elle a su incarner à la perfection. Elle est magnifique dans ce rôle de l'adolescente qui court sur un vélo ou escalade un mur. les scènes de flirts sont truculentes de naïveté. Tout comme les séquences de fêtes entre copines à la boom d'un ami. Dans Camille redouble l'on y passe des moments d'une infinie tendresse, où l'ont rit, l'on médite, se prend de nostalgie pour notre passé mais sans s'appesantir trop sur les drames du passé. Un film qui agit positivement sur le moral avec force délicatesse à l'image de la bonté de l'héroïne du film qui se confond avec la générosité de la réalisatrice et son cinéma rudement bonifiant! Est-ce de ce mystère divin là, inexplicable qui subsiste dans cette oeuvre, dont on ne peut ni quantifier ni toucher du doigt, cette étrange aura puissamment belle qui fait la quintessence cinématographique de ce film qui emplit notre vide dont en a parlé le critique Jean Michel Frodon? Ce dernier a, lors de la conférence de presse animée aussi dimanche, sur la critique, assimilé un film à un «objet d'art troué» et dont la tâche du critique est non pas d'expliquer le mystère mais au contraire, d'en apporter des pistes d'ouvertures. Assurément oui donc! Camille redouble remet en cause les certitudes de l'amour, «ces cris qui enchaînent» mais laisse le vent emporter tout jusqu'à la délivrance. Un film romanesque traversé par un souffle littéraire certain à travers lequel on y hume l'air de Raymond Queneau, Jaques Prévert, Guillaume Apollinaire ou encore de Stendhal. De la poésie avant tout qui chante, l'inextricable, l'indicible éphémère, l'amour. La vie.. «Mon Dieu donne-moi la sérénité, d'accepter toutes les choses que je ne peux changer. Donne-moi le courage de changer les choses que je peux, Et la sagesse d'en connaître la différence.» récite cet horloger à Camille..