La diplomatie internationale s'applique, depuis quelques jours, à trouver un terrain consensuel entre les diverses ethnies afghanes pour parvenir à la mise en place d'un gouvernement intérimaire. Pays à composante ethnique multiple, l'Afghanistan se trouve à la croisée des chemins : se prendre (enfin) en charge, ou continuer, sans doute pour longtemps, à n'être qu'un pion dans un jeu géostratégique mondial qui dépasse le seul devenir de cet Etat enclavé entre des puissances régionales qui ne lui veulent pas que du bien. Mais aujourd'hui la préoccupation des uns et des autres est de préparer l'après taliban, avec ou sans «taliban». La diplomatie internationale, sous la houlette du diplomate algérien Lakhdar Brahimi, représentant de l'ONU en Afghanistan, s'est ainsi donné pour mission première d'aplanir les divergences qui ont toujours contrarié un accord inter-ethnique afghan. Objectif jusqu'ici jamais atteint. Cependant, acculés, les Afghans se doivent de créer le «miracle». Faute de quoi, beaucoup de grandes puissances sont disposées à le faire pour eux. C'est sans doute cette perspective qui a poussé la mouvance royaliste et traditionnelle afghane en exil à convoquer une conférence (ouverte hier à Peshawar) «pour la paix et l'unité nationale en Afghanistan» Tout un programme! Un millier de chefs de tribu, des érudits de l'islam et des représentant politiques de diverses tendances y assistent. Cette conférence s'est tenue à l'initiative du Front national islamique d'Afghanistan (FINA) de Sayed Ahmad Gailani, l'un des chefs modérés de la coalition afghane en exil. Dans sa déclaration d'ouverture, Gailani indique d'emblée que «tous les efforts doivent être faits pour que cessent les opérations militaires et pour que le travail de reconstruction du pays commence aussitôt que possible» Le conférencier appellera les taliban «qui sont d'accord» à entrer dans un gouvernement «élargi» estimant que leur «coopération (pouvait être) importante et fructueuse». De fait, aucun gouvernement afghan ne pourra voir le jour sans la participation sinon des taliban eux-mêmes, à tout le moins leur ethnie, les Pachtounes. Tout ceux qui planchent sur le problème afghan en ont une conscience aiguë, car il est dangereux de faire l'impasse sur l'ethnie pachtoune, dominante tant dans ce pays qu'au Pakistan. C'est là, en vérité qu'apparaissent les vraies difficultés, tant il est patent qu'il faut jouer au funambule, et sans filet. C'est sans doute dans cette optique que les Américains ont sorti de son long exil le roi afghan Mohammed Zaher Shah (76 ans), déchu en 1973. Mais celui-ci est loin de faire l'unanimité parmi les Afghans, notamment l'opposition. Aussi, Washington tente-t-il de trouver cette denrée rare que sont les taliban «modérés.» L'Alliance du Nord, quant à elle, rejette autant les «étudiants en théologie» que le retour aux affaires de Zaher Shah. Position que partagent peu ou prou la Russie et l'Iran, deux des principaux soutiens de l'opposition afghane. Reste le Pakistan. Incontournable. Sans lui, rien ne peut se faire au pays du défunt chef charismatique Shah Massoud. Ni dans la région. Islamabad, qui connaît sa force, se montre conciliante et cherche, elle aussi, à découvrir des taliban «modérés» à placer dans la future administration intérimaire afghane. Le puzzle afghan est plus que jamais un casse-tête, dont les tenants et aboutissants ne sont pas toujours là où on le pense. L'après-taliban reste gros d'incertitudes que les frappes américaines aggravent de jour en jour.