L'auteur lors de sa vente-dédicace au Sila Il se dit aimer les sentiments amoureux et il s'en sert merveilleusement à travers ses romans. C'est le cas dans La meilleure façon d'aimer qu'il a signé au récent Salon international du livre. Il en parle avec nous, tout sourire... L'Expression: Dans La meilleure façon d'aimer, on sent une part d'autobiographie. Est-ce vrai? Akli Tajer: Ce ne sont jamais des histoires abstraites mais souvent ça parle des choses que j'ai vécues. C'est inspiré du vécu, de ce qu'on a vu, on mélange tout et on sort quoi. Ce n'est pas un récit sur ma mère. Sans dévoiler toute l'intrigue, pourquoi avoir choisi plusieurs narrateurs dans ce roman? C'est un roman à deux voix. Car ça raconte l'histoire d'une mère et de son fils. Comment ils ont vécu très près l'un de l'autre mais parfois à des années lumière. J'ai voulu avoir deux regards croisés sur ces deux personnages, voir ce qu'ils éprouvaient l'un pour l'autre, avec les non-dits. Et cette fille Clotilde qui revient après? Clotilde c'est l'amoureuse du narrateur. elle représente une part de sa vie car c'est aussi un roman sur les gens qui n'ont pas appris les mots pour dire je t'aime à l'autre. Comme ils sont un peu infirmes de ces mots-là. Ils essayent plus de l'éprouver par des actes que de le dire. On dit il n' y a pas d'amour, il n' y a que des preuves d'amour mais en même temps je pense que cela ne suffit pas car je pense que les gens ont besoin aussi de l'entendre. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'amour bien que la plupart de ces personnes ont une vie un peu disloquée, voire cassée... De toute façon on ne peut faire un roman qu'avec des gens qui ont des histoires avec leur complexité sinon ils sont inintéressants. Moi j'aime bien les personnages qui sont un peu cabossés mais qui gagnent à la fin. L'histoire de cette mère qui revoit cette petite fille en robe jaune est assez intrigante. C'est quoi ce phénomène? C'est une fille dont on a gâché l'existence tout le temps. Elle est réapparue du fait de cet accident cérébral. Elle va revoir son enfance dont elle n'a dit à personne, c'est son secret à elle qui revient à la surface. Le comédien et néanmoins réalisateur Lyès Salem a obtenu un Prix de la meilleure interprétation masculine récemment suite à l'adaptation télé de votre roman Il était une fois peut-être pas. Il a été adapté pour la télé, ça fait toujours plaisir parce que ce qui est intéressant en soi est le fait qu'il y ait beaucoup de gens qui vont le voir déjà et c'est surtout ça qui constitue une seconde chance pour le livre. Moi ça m'intéresse beaucoup cette démarche. Et le fait que Lyes Salem ait le prix j'en suis ravi car c'est un ami. Je suis scénariste aussi. C'est moi qui l'ai adapté en fait. Comment se passe dans la tête d'un écrivain le passage à l'écriture d'un scénario? Et où vous sentez-vous le mieux? C'est mon troisième roman qui est adapté quand même. Mais ce sont deux registres différents. Un roman c'est une aventure personnelle. Le scénariste est celui qui vient vous dire de scarifier des pans entiers de votre roman donc je préfère le faire moi-même que ce soit d'autres qui le font. Un roman ça fait à peu près trois cents pages et un scénario, quatre-vingt. Vous imaginez ce que vous laissez de côté. Ce n'est jamais pensé comme un scénario. Ce qui arrive est que les gens quand ils me lisent, voient un film. Les producteurs lisent beaucoup de romans et parfois ils se disent: tiens! celui-là on peut en faire un film! C'est comme cela que ça s'est passé pour moi. Je crois que j'ai une écriture très visuelle. Akli Tajer, le romancier des petites gens? Ce qui me fait réellement plaisir par exemple dans ce salon est de voir toute cette jeunesse qui lit énormément. On ne voit pas ça en France. J'allais presque dire que je n'ai pas l'habitude de ça en France. C'est là où on se rend compte que la France est un pays de vieux. Ce qui vous intéresse au fond chez les gens est ce retour aux racines, cet appel vers l'authentique? Car dans ce roman, la mère évoque bien ses racines et garde intacts des souvenirs de la Guerre d'Algérie.. On est tous en quête de quelque chose comme l'identité. Moi, un peu moins. Ce sont des choses que j'ai réglé. Il est vrai quand vous vivez en France c'est dur de ne pas être fasciné par la quête de trouver ses repères. Finalement, c'est quoi la meilleure façon d'aimer? La meilleure façon d'aimer est de le prouver avant que cela ne soit trop tard, à défaut de regretter après. Pour l'avoir vécu, la seule chose qui est de l'ordre de l'autobiographique est que j'ai perdu ma mère mais j'ai eu la chance de lui dire que je l'aimais avant qu'elle ne parte. Dans votre roman, vous essayez aussi de coller à l'actualité avec l'histoire de Saïd qui change d'identité. Oui. ça existe beaucoup en France. Apres le 11 septembre, beaucoup ont changé leurs prénoms arabes.. mais bon ça, ça c'est plus le côté cocasse du roman qu'autre chose, pas le fond du roman. En même temps vous cassez certains clichés. On voit très peu de jeunes Arabes qui travaillent dans l'assurance, ces profils sont très peu représentés dans la société française ou plutôt peu visibles. Vous cassez un autre tabou celui de Saïd qui tombe amoureux d'une Française un peu maigrichonne, pas complètement belle, rien à voir avec le canon de la beauté arabe.. Le roman sert aussi à ça, pour aller au-delà des images véhiculées par la presse etc. j'ai écrit l'an dernier un roman qui s'appelle Bel avenir dans un autre registre qui justement casse beaucoup de clichés sur la société française. Il est sorti chez Flammarion en France. Il est très caustique vis-à-vis de la société française. Remettre en cause une société est un combat de tout les jours de toute façon pour la faire avancer. J'aime bien travailler sur les sentiments amoureux. Ça me parle beaucoup. Avec l'âge je ne dirai pas que j'ai de moins en moins de pudeur par rapport à ça, mais c'est plus facile d'aborder le sujet. Quand on est dedans on a du mal à écrire, ça aide beaucoup quand même. C'est un soulagement de l'esprit et parfois quand c'est drôle je me surprends moi-même de rire sur mes trucs. J'arrête d'écrire quand je m'ennuie. Et si je m'ennuie il n y a pas de raison que le lecteur prenne son pied. Donc j'arrête et je recommence tout. J'ai besoin de cette espèce de musique qui m'est personnelle..