Indépendamment des films en lice, les JCC offrent aux artistes tunisiens l'occasion de projeter leurs productions nées au lendemain du fameux 14 janvier. 19h, le 19 novembre 2012. Arrivée sur le tarmac de l'aéroport de Tunis, Carthage. L'avion suit naturellement les balises de lumières et se laisse guider. La nuit est tombée sur cette ville aux mille visages. Une nuit paisible s'annonce et qui en cache sans doute des plus secrètes. Halo de ses rumeurs et de flashs lumineux qui éclaboussent le regard et vous dévie de votre chemin initial comme cette révolution... confisquée. Pour preuve, cette déferlante de questions que, décidément, nous n'arrivons pas du tout à assimiler, encore moins à s'y habituer, même après avoir suivi à maintes reprises le chemin tunisois, facilement praticable pour nous autres Algériens. «Le nom de votre père? celui de votre journal? En quoi consiste au juste votre séjour? Vous venez en vacances?» Bref, il y a des choses qui perdurent et ont la dent dure ici, encore plus dure que toute cette marée humaine qui fera trembler la Tunisie pour aboutir à sa révolution du Jasmin. L'éternel Etat policier! Vous êtes sûr que Ben Ali est parti? Une lueur d'espoir balayée par cette grisaille et cette pluie fine qui s'abat en cette matinée automnale. Les JCC cette année? A une question pourtant banale, un visage qui blêmit. On détourne la question et on s'éloigne du bureau d'accréditation pour discuter tranquillement, loin des oreilles indiscrètes ou malveillantes. Le regret, la nostalgie se lisent quasiment sur le visage. Certains évoquent une totale désorganisation qui commence à s'estomper au fil des jours. D'aucuns mentionnent de drôles de problèmes techniques qui viennent souvent, chose anormale pour un tel festival. Une anomalie amputée, selon quelques dires, à des velléités malintentionnées et obscures qui cherchent à saboter cet événement cinématographique, le plus grand et unique en son genre en Afrique. Un des films qui a fait les frais de ces aléas techniques est Parfums d'Alger de Rachid Benhadj, en lice pour le Tanit d'or du meilleur long métrage. «C'est un véritable défi soulevé» souligne, pour sa part, le directeur de la Cinématique algérienne, Lyès Semiane et de poursuivre: «D'autant que ses organisateurs ont souffert des problèmes d'argent. Le festival aurait pu ne jamais voir le jour.» Une chose est sûre, nous n'avions jamais vu jadis autant de films programmés. Un nombre incalculable! Entre courts, documentaires et fictions dispatchés dans différentes catégories (en compétition, en panorama, perspective, cinéma du monde, avant-première). Pareil pour le nombre de lieux de projection. Une dizaine, de la folie! Difficile aussi de faire son choix, et l'on reste des heures à cocher des films et puis à décocher comme devant un jeu de puzzle. Le programme ne comprend pas que des films, mais des colloques, des expositions, des conférences et des leçons de cinéma comme celles d'hier matin, assurées par le grand réalisateur malien à qui on rend hommage cette année, Souleimane Cissé. Un des plus intéressants colloques aussi que l'hôtel Africa a abrité avant-hier et qui a eu trait au fonds d'aide du cinéma africain. Ce casse-tête chinois maintes fois débattu ici et au Festival de Cannes, vainement. Toutefois, bonne nouvelle pour les Tunisiens, le fonds panafricain pour le cinéma et l'audiovisuel (Fpca) a choisi la Tunisie pour y installer sa direction. Des films tunisiens au quotidien qui ponctuent la programmation au JCC. Indépendamment des films en lice dans les différentes catégories, les JCC offrent aux artistes tunisiens l'occasion de projeter leurs productions dans différentes autres sections parallèles. Structure dynamique dans le cinéma, la Fédération tunisienne des cinéastes amateurs (Ftca) s'est associée aux JCC, invitant le grand public à découvrir une riche panoplie de films réalisés par des artistes en herbe. Des courts métrages qui se veulent «une belle consécration, dit-on, à cette génération montante qui a choisi de prendre la parole, profitant de cette liberté d'expression qui a soufflé sur tout le pays et lui a permis de créer son cinéma. Un cinéma qui traduit et accompagne les mutations socioculturelles et politiques que vit le pays» est écrit dans la gazette journalière du Festival. Des sujets de films engagés politiquement, il y en a dans la programmation. Sauf que la quantité l'emporte, croit-on, sur la qualité. Si le film d'ouverture, le doc de Mohamed Zran, Dégage! a fait beaucoup de bruit et surtout suscité énormément de remue-ménage parmi le public jusqu'à créer des bousculades à l'entrée (au Colisée et pas au théâtre municipal cette année), d'autres films tunisiens post-révolution figurent en masse au programme. L'on peut citer Le professeur de Mahmoud ben Mahmoud, le très attendu Manmoutech, beautés cahées fiction aussi de Nouri Bouzid, mais aussi les documentaires Emirs au pays des merveilles de Ahmed Jlassi, Mon 14, de Ismahane Lahmar et Nous sommes ici de Abdallah Yahya notamment. Du côté égyptien, le Printemps arabe est discernable également à travers plusieurs films dont Tahrir, place de la libération de Stephano Savona, Né le 25 janvier, doc de Ahmed Rashwan ou encore Après la bataille de Yousry Nasrallah. A côté de cela s'ajoutent d'autres films arabes, du Liban, Palestine, Syrie ou encore du contient noir à l'image du Mali, le Burkina Faso, le Sénégal, etc. Notons que l'Algérie à qui on rend hommage cette année en raison du Cinquantenaire de l'Indépendance avec une dizaine de films, est présente également en compétition officielle avec Le Repenti de Merzak Allouache, et les courts métrages Le Hublot de Anis Jâad et Mollement un samedi matin de Sofia Djama.