Si l'UMP a, depuis lundi soir un président, le principal parti de droite français sort déchiré de son élection interne entre deux lignes politiques, sans leader clair, un affaiblissement qui pourrait profiter à l'extrême droite, aux centristes et au pouvoir socialiste. Au terme d'une foire d'empoigne de 24 heures marquée par des accusations réciproques de fraudes, l'outsider Jean-François Copé, qui tenait l'appareil du parti comme secrétaire général, l'a emporté à l'arraché sur le favori, l'ex-Premier ministre François Fillon, avec moins de cent voix d'avance sur les 175.000 adhérents ayant voté. Mais «le parti a offert le pire spectacle qu'une formation politique puisse proposer à ses électeurs», admettait même le quotidien de droite Le Figaro. Dans un souci de «rassemblement», Jean-François Copé a offert hier un poste de vice-président à François Fillon mais cette proposition a été aussitôt jugée «grotesque» par l'entourage de ce dernier. Au-delà de la haine que se vouent les deux hommes, rivaux potentiels pour la présidentielle de 2017, François Fillon a pointé l'existence à l'UMP «d'une fracture manifeste, à la fois politique et morale». Dans le prolongement de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy, Jean-François Copé a fait toute sa campagne sur une «droite décomplexée» recourant aux formules choc, en dénonçant par exemple un «racisme anti-Blancs» dans les banlieues françaises. Un langage destiné à plaire à la partie des militants qui souhaitent ouvertement des alliances avec le Front national (FN), notamment aux municipales de 2014, ce qu'a cependant rejeté M.Copé. Sans prendre franchement ses distances avec cette droitisation, François Fillon s'est néanmoins posé en «homme du rassemblement», voyant dans e scrutin «une primaire avant l'heure» en vue de 2017 et s'adressant à l'ensemble des électeurs de droite, plus modérés que les seuls militants UMP. Cette fracture fait douter de l'avenir d'un parti créé il y a dix ans dans le but de mettre fin aux divisions du centre et la droite des années 80 et 90. La présidente du FN, Marine Le Pen, ne s'y est pas trompée, estimant «avoir toutes raisons de se réjouir» et appelant les déçus de l'UMP à la rejoindre. L'autre formation qui espère tirer les marrons du feu est le nouveau parti centriste UDI, dont le président Jean-Louis Borloo a affirmé dans le quotidien Le Monde sa volonté de devenir le parti leader à droite sur une ligne modérée. Soulignant «un problème de cohérence idéologique» à l'UMP, il juge que «l'illusion du parti unique à droite ne tient plus» et que «l'opposition a désormais deux leaders», Jean-François Copé et lui. L'affaiblissement de l'UMP devrait aussi offrir un moment de répit à François Hollande et son Premier ministre Jean-Marc Ayrault, en grande difficulté dans les sondages face à la crise économique et à la désunion de leur majorité entre socialistes et écologistes. La droite peut toujours se consoler en notant que le Parti socialiste avait connu pareils déchirements en 2008 entre Martine Aubry et Ségolène Royal et que cela ne l'avait pas empêché de gagner les élections locales deux ans après... Pour la presse, le seul à émerger du «champ de ruines» de l'affrontement Copé-Fillon est Nicolas Sarkozy présenté comme un possible recours. Le «vide» qu'il a laissé n'est pas comblé, a reconnu un de ses proches, Henri Guaino. Muet depuis sa défaite, l'ex-président n'avait pas pris parti ni voté dimanche. Les deux tiers des sympathisants de droite souhaitent son retour dans la vie politique, selon un récent sondage. Dans l'immédiat, l'ancien président a d'autres soucis. Il sera entendu en fin de semaine, peut-être demain, sur un possible financement occulte de sa campagne présidentielle 2007 par la milliardaire Liliane Bettencourt.