Le triumvirat constitué de ses trois principaux lieutenants dissidents se trouve dans une situation peu enviable. Le chef du Gspc, Hacène Hattab, doit être dans ses meilleures humeurs, malgré l'atomisation du Gspc et les coups de boutoir qu'assènent les militaires à son organisation. Et pour cause : ses trois principaux lieutenants dissidents passent par une zone de grandes turbulences dans lesquelles ils risquent de laisser leur vie. D'un côté, son principal lieutenant, Amari Saïfi, dit Abderezak «le Para», classé n°2 dans la hiérarchie militaire du Gspc, se trouve toujours coincé dans la région de Kidal, même si, grâce à l'argent dont il dispose, il peut toujours compter sur la complicité des tribus rebelles disséminées au nord du Mali et aux frontières de celui-ci avec le Niger. Le rigoureux maillage militaire, avec tout un arsenal de moyens de repérage et le survol des vastes régions désertiques de l'extrême Sud algérien, rend utopique toute tentative de retour du groupe du «Para» aux maquis algériens. Le «coup médiatique international» qu'il avait réussi, avec le rapt de 32 touristes européens dans le triangle Tamanrasset-Ouargla-Illizi, ne lui a pas porté chance. Obligé de se déplacer avec 14 otages à Kidal, il n'a pas réussi à retourner à ses fiefs d'origine. Les groupes rebelles du Mali et du Niger, les millions d'euros dont il dispose et les «affinités secrètes» qu'il a développées de longue date avec les autochtones risquent de ne lui être d'aucun secours, d'autant plus que son fidèle lieutenant, Mokhtar Bel-mokhtar, resté «de l'autre côté de la barrière», ne peut plus rien faire pour lui venir en aide et le ramener en terre algérienne. Mokhtar Belmokhtar, communément appelé MBM, la trentaine, natif de Ghardaïa, ancien responsable du GIA pour la zone 6, a définitivement quitté le Sud pour rallier ses chefs aux maquis du Nord, après avoir tenté une dernière fois de sauver «le Para» dans un accrochage signalé aux frontières de Bordj Badji Mokhtar avec les militaires vers la fin du mois de juin 2003. Certains attribuent à MBM le «coup» de Messaâd, attentat très médiatisé dans la région sud de Djelfa contre des touristes saoudiens, et qui a coûté la vie à Tallal Errached, poète populaire et propriétaire d'une revue littéraire, Fawaçil, très prisée. Si c'est réellement lui qui a dirigé l'opération (il connaît le Sud, compris entre Djelfa et Tamanrasset comme sa poche), il lui sera difficile de quitter les monts Baharara, et en pareille saison, le froid de la région est insupportable. Mais si MBM a pu regagner les maquis de l'Est, comme certains hauts responsables le soutiennent, il y sera d'une inanité fatale, pour lui comme pour ses compagnons. Ce chef de la «guerre des sables» n'a aucune expérience de ce qu'est le combat en milieu urbain et dans les montagnes luxuriantes des régions de Tébessa, Annaba, les Babors et Jijel et ne peut, de fait, démontrer les capacités qui étaient siennes pendant dix années entre 1993 et 2003 dans le Sud. Nabil Sahraoui, enfin, l'auteur de la tentative de destitution de Hattab, avec l'appui du «Para» et de MBM, a du souci à se faire. Les fiefs dont il dispose, et qui se sont ralliés à lui, entre Jijel, Tébessa et Batna sont passés au peigne fin de l'armée. Les ratissages opérés aux Babors et à Jijel et dirigés personnellement par le général-major Saïd Bey, commandant de la 5e Région militaire, ont considérablement affaibli les effectifs opérationnels du Gspc, tendance Sahraoui, et qui ne peuvent même plus rejoindre les maquis imprenables de la région kabyle, fief incontesté des groupes de Hattab. Celui-ci, solidement implanté dans une vaste et riche région qui couvre Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, c'est-à-dire une région géographiquement, culturellement et linguistiquement délimitée, et qui se trouve, de surcroît, secouée par de profondes turbulences politiques et sociales et par un mécontentement général, peut encore compter sur deux atouts. Ses principaux lieutenants sont tous de la région, et la «stratégie de symbiose» qu'il y a élaborée lui assure de solides apports en attendant une restructuration de ses effectifs.