La position belliqueuse du Maroc est un coup de poignard dans le dos de tous les leaders du Maghreb arabe. Les lampions s'éteindront au prestigieux Palais des nations lors même que les acteurs de marque qui y étaient attendus ne s'y seraient rendus. Pour la seconde fois de suite, le sommet d'Alger est reporté sur demande expresse des Libyens, une fois achevés tous les préparatifs. C'en est plus que ne peut supporter la diplomatie algérienne. Tous les observateurs et diplomates s'indignent d'une même voix face au comportement belliqueux de Rabat, qui se trouve aussi bien derrière ces deux reports, mais aussi du transfert de la présidence de l'UMA d'Alger vers Tripoli et, plus grave encore, du gel de cette instance depuis 1994 sous le règne de Hassan II jusqu'à ce jour. La réunion des ministres des Affaires étrangères arabes a été l'occasion pour le Maroc de tenter de nous faire des leçons de morale dans un discours situé à la limite de l'impertinence. A la limite seulement, puisque celle-ci devait être franchie hier lorsque M.Benaïssa s'est permis de relever, de manière fort discourtoise, la présence de trop nombreuses fautes d'orthographe dans le texte sanctionnant cette rencontre avortée. Mohammed VI, qui a dédaigné la destination algérienne, se contentant d'une représentation au plus bas niveau en la personne de son chef de la diplomatie, a joué jusqu'au bout la carte du blocage et du chantage relatif à la sempiternelle question du Sahara occidental. Les deux rencontres qui, pourtant, avaient présidé à l'acte de naissance de cette Union, dont le fameux sommet de Zéralda, s'étaient accordées pour mettre de côté la question sahraouie, qui se trouve être du ressort exclusif de l'ONU, comme s'est toujours évertué à le dire notre pays. Alger, rappellent des diplomates indignés, a été La Mecque et la destination de choix des mouvements maghrébin, arabe et non-alignés. Elle a même été le berceau de la naissance de l'Etat palestinien. Son histoire plaide pour elle. Sans elle, l'UMA est tout simplement condamnée. Aussi bien sur les plans géographique qu'historique, il n'y a point d'UMA en dehors de la destination algéroise. Les mêmes sources estiment que le moins que puisse faire notre pays serait d'agir de la même manière que le Maroc en gelant sa participation en attendant que Mohammed VI revienne au respect de la légalité internationale. Nos sources plaident en faveur de cette option, la seule qui puisse encore sauver l'honneur de la diplomatie et du peuple algériens, en soulignant que «notre pays ne tirerait aucun avantage de l'UMA sinon celui de devenir dépotoir pour les produits manufacturés de ces pays ne trouvant pas preneur de l'autre côté de la Méditerranée». Nos richesses naturelles et humaines font de nous un pays capable de survivre sans une quelconque protection communautaire. La Libye, qui préside désormais l'UMA, était hier encore au ban des nations. Elle reste encore très mal placée pour gérer une phase aussi cruciale de l'histoire mouvementée de cette union. Il semble que ce qui a poussé le Maroc à privilégier la politique du pourrissement et du chantage soit le fait que la thèse algérienne concernant le Sahara occidental, la seule qui demeure valable et conforme au droit international, ait fini par trouver des échos favorables depuis que le plan Baker a fait du chemin avant d'être adopté à l'unanimité par la communauté internationale. Cela, en dépit de la campagne tous azimuts menée par la France contre ce projet portant autodétermination du peuple sahraoui dans un délai de cinq années. Le Maroc, depuis l'affaire de l'îlot du Persil, ne fait plus rien pour cacher sa politique expansionniste, carrément colonialiste. Outre son insistance à maintenir son hégémonie sur les territoires sahraouis sans laisser le peuple de ce pays décider de son propre destin, un triste épisode a défrayé la chronique lorsqu'un parti toléré au Royaume, le Flam, a commencé d'activer pour revendiquer 900.000 km² de notre territoire avec mise en place de groupes terroristes et préparation d'attentats partout en Algérie. Même la libération de détenus marocains par le Front polisario a été le prétexte de recueillir de prétendus témoignages impliquant les services de sécurité marocains dans le but de déposer par le Maroc une plainte auprès des instances judiciaires internationales pour crime contre l'humanité. C'en est trop. Ce deuxième report est sans doute l'abus de trop. D'autant qu'en agissant de la sorte, le roi Mohammed VI a «poignardé» 100 millions de Maghrébins ainsi que quatre autres chefs d'Etat. Ces derniers, toutefois et si l'on excepte Zine El-Abidine Ben Ali, ont péché à partir du moment où ils ont «succombé» aux caprices du souverain marocain en «dédaignant» la destination algérienne alors que tout le monde voit et confirme que c'est le Maroc, un pays qui est loin de peser autant que le nôtre, qui oeuvre par tous les moyens à bloquer le processus d'édification de l'UMA. L'heure de solder les comptes a bel et bien sonné.