La question étant de savoir si les candidats potentiels défendront le même rôle de l'armée, une fois élus à la magistrature suprême ? Le débat autour du rôle de l'armée dans la scène politique resurgit ces derniers mois, et ce coup-ci, ce sont les politiques qui ouvrent le bal dans ce climat préélectoral. Le débat est centré principalement sur l'intervention de cette institution dans l'élection présidentielle de 2004. La neutralité prônée par l'armée et celle revendiquée de tout temps par la classe politique semble prendre aujourd'hui des aspects et des définitions différents. Paradoxalement, et dans la lecture des discours politiques des candidats potentiels à la magistrature suprême, il ressort qu'ils n'exigent pas une neutralité totale de cette institution. Si auparavant cette classe était unanime sur l'obligation d'un retrait clair et net de l'armée, aujourd'hui et au-delà des discours, il s'avère que l'on cherche plutôt à définir les limites de cette intervention. Après les tirs croisés contre cette institution, il est quand même paradoxal de voir les candidats au scrutin la solliciter comme «garant de la transparence de cette échéance». Le président du mouvement Wafa, même s'il estime que l'armée «a bel et bien l'intention» d'observer une parfaite neutralité lors des futures joutes électorales, n'en continue pas moins de penser que le retrait de l'armée de la scène politique «devra se faire de manière progressive durant les cinq années du futur mandat présidentiel». Ce qui laisse penser que la transition voulue ne peut pas se faire, et contrairement aux thèses soutenues par la classe politique, d'une manière subite. Taleb Ibrahimi est conscient que le retrait total de ce corps ouvre grandes les portes aux dépassements de l'administration. Lui qui pose comme préalable à sa candidature la neutralité des pouvoirs publics. Il rejoint dans ce cas l'avis de Rachid Benyellès qui confirme que «l'état-major sera d'une neutralité absolue lors de la future présidentielle». «Une neutralité» qualifiée de «mauvais augure», partant du fait que les prémices d'une fraude massive ne cessent de se préciser. Le MRN, le FLN, le MSP et, à un moindre degré, le RND pensent que cette neutralité passe dans un premier temps par la suppression des bureaux spéciaux. Pour sa part, l'ex-chef de gouvernement, M.Mouloud Hamrouche, n'a pas manqué de se prononcer dans son dernier communiqué sur cette question. Lui aussi juge qu'il est vital que l'ANP, en décidant de quitter le champ politique, demeure partie prenante des mécanismes décisionnels déterminants et des choix politiques. Comment l'institution militaire pourrait réussir ce double pari ? Le communiqué de Hamrouche ne porte aucun élément de réponse, se contentant de noter qu' «il s'agit là de l'une des conditions à l'émergence d'une société libre». La question étant de savoir si Hamrouche, qui semble rentrer dans l'arène électorale, défendra le même rôle de l'armée, une fois élu à la magistrature suprême? La problématique s'impose pour tous les candidats en lice. Dans la classe politique, on trouvera une autre vision plus explicite, celle qui justifie une intervention directe de l'armée dans les élections «pour préserver les valeurs républicaines de l'Etat algérien», en d'autres termes pour barrer la route au courant islamiste. C'est le Ccdr par la voix de M.Brerhi qui défend cette thèse. Devant tous ces avis, l'ANP, et partant du principe de la neutralité, n'a pas à ce jour répliqué, préférant jouer le rôle d'observateur.