La décision de l'armée de demeurer neutre, lors de la prochaine présidentielle pose problème pour de nombreux candidats potentiels à la magistrature suprême. Le problème ne réside pas, pour eux, dans le principe même de la neutralité de l'institution militaire, mais dans celle du flagrant parti pris des autres institutions chargées, pourtant, de la préparation de la présidentielle comme l'administration en faveur du président-candidat. Mouloud Hamrouche a été le premier à revendiquer l'implication de l'armée dans le processus électoral. “Il est vital que l'ANP, en décidant de quitter le champ politique, demeure partie prenante des mécanismes décisionnels déterminants et des choix stratégiques”, a-t-il soutenu, dans un communiqué rendu public le 16 décembre dernier. C'est à ces conditions, soutient-il, que la prochaine présidentielle “pourra être porteuse d'espoir”. Rachid Benyellès se veut, quant à lui, très direct : “La neutralité de l'armée risque d'être un problème”, a-t-il dit, lors de l'annonce officielle de sa candidature le 21 décembre dernier. Et d'ajouter dans un entretien accordé à Liberté le 29 décembre dernier, que “l'opinion a raison de s'inquiéter du désengagement de l'institution militaire devant les dépassements de Bouteflika, de son frère et de son clan”. Le comité central (CC) du FLN, de son côté, réuni en session extraordinaire à Zéralda, a exprimé dans sa résolution finale, rendue publique le 22 décembre dernier, son inquiétude de voir la position de la neutralité de l'armée exploitée par le président-candidat: “Le CC, tout en saluant la décision de neutralité de l'armée, craint son utilisation par le président-candidat qui instrumentalise la justice et l'administration, pour confisquer la volonté populaire à travers la fraude”. Taleb Ibrahimi pense, quant à lui, que “l'armée a la charge de veiller sur la propreté de l'élection et d'accompagner la transition vers un pouvoir civil”, puisqu'elle représente “la colonne vertébrale de l'Etat algérien”, a-t-il soutenu, le 26 décembre dernier, lors d'une sortie médiatique dans la wilaya de Constantine. Les mêmes craintes sont exprimées par le RCD de Saïd Sadi et le MRN de Djaballah. “Il est clair, selon les textes de loi, que l'armée a des missions qui lui sont conférées par la Constitution. Mais parler, aujourd'hui, de la neutralité, souhaitable par ailleurs, de l'institution militaire, en oubliant que la quasi-totalité des institutions nationales sont aujourd'hui vassalisées et soumises au clan présidentiel, revient à biaiser le débat politique”, explique Hamid Lounaouci, le secrétaire national à la communication au RCD, contacté, hier, par téléphone. Il ne sert à rien, en effet, à ses yeux de “revendiquer la neutralité d'une institution, fût-elle militaire et feindre d'ignorer que le ministre de l'intérieur, la justice, l'administration centrale, l'administration territoriale sont, aujourd'hui, entre les mains d'un président qui instrumentalise avec outrance ces institutions”. Cette neutralité dans ces conditions s'apparente alors, ajoute-t-il, à une “démission”. Car, argue-t-il, “un Etat sérieux est articulé autour d'institutions légitimes qui n'obéissent qu'à la volonté librement exprimée du citoyen. Faire l'impasse sur cela équivaut à accepter la dictature”. Même position chez le parti de Djaballah. Selon le député Djahid Younsi, vice-président de l'APN : “la neutralité de l'armée à elle seule ne peut pas garantir la transparence de l'élection.” Cette neutralité, dit-il “doit être impérativement suivie de la neutralité de l'ensemble des autres institutions” compte tenu du parti pris de l'administration et de la justice, en faveur du président-candidat, explique-t-il. On peut, cependant, envisager, affirme Younsi, “une neutralité de l'armée avec l'obligation de faire en sorte d'obtenir la neutralité de l'administration”. Comment ? “Du moment que l'armée est partie prenante du Conseil de sécurité, elle doit, par conséquent, peser sur cette institution qui débat des problèmes politiques dont la présidentielle pour amener l'administration à observer la neutralité, ainsi que l'ensemble des autres institutions à garantir la transparence de l'élection”. L'armée révisera-t-elle sa position de neutralité ? N. M.