L'initiateur de cette nouvelle formation politique, venue combler un vide laissé par le camp républicain, a accepté de parler sans faux-fuyants des raisons qui l'ont poussé à quitter le RCD. Il est également revenu sur le rôle de la presse, l'échec de la classe politique face à la montée en puissance de la mouvance islamiste, mais aussi des raisons qui feront que l'URD soutiendra sans aucun doute le programme d'un candidat au lieu de présenter le sien propre. Développant au passage une thèse pour le moins originale sur le rôle de l'armée dans le champ politique, Amara Benyounès est revenu, en exclusivité, sur les événements de Kabylie, plus précisément sur les quelques jours qui avaient précédé la démission du RCD du gouvernement, une fois que Bouteflika a refusé de recevoir le docteur Sadi. La demande d'audience, fait historique déterminant par les conséquences qu'elle a induites, a justifié le retrait du gouvernement. Benyounès, avec du recul, souhaite que les membres du conseil national de ce parti n'aient pas été induits en erreur. Sans doute l'histoire nous le dira-t-elle un jour. Au yeux de l'initiateur de l'URD (Union pour la République et la démocratie), «le débat autour du rôle de l'armée sur la scène politique est fondamental contrairement à ce que pensent beaucoup». Amara Benyounès, qui a fait ses premières armes au sein du mouvement berbère avant de connaître une ascension remarquable grâce au RCD, tente de débattre de cette question avec un pragmatisme et un recul qui, bien souvent, font défaut à la classe politique quand il s'agit de ce sujet épineux. Pour cet ancien ministre des Travaux publics sous Benflis, «il existe trois catégories de cercles politiques selon leur appréciation de ce sujet». La première, indique-t-il, «revendique une transparence totale et une liberté absolue dans les élections avec respect et application des résultats des élections de quelque nature qu'elles soient». Il s'agit sans doute de la mouvance islamiste qui sait avoir le vent en poupe et n'avoir pour seul «ennemi» digne d'intérêt que l'institution militaire qui avait eu le réflexe en 1992 de mettre un terme au triomphe de l'ex-FIS et à la montée en puissance d'une république islamiste pas bien différente de celle des talibans d'Afghanistan. Selon Amara Benyounès, les facultés électorales islamistes demeurent les mêmes même si elles changent d'un parti à l'autre, passant ainsi de l'ex-FIS en 1990 à l'ex-Hamas en 1995 pour se retrouver actuellement en possession du MRN de Djaballah. La seconde catégorie, «catégorique», s'il est permis de s'exprimer de la sorte, uniquement représentée par le MDS, estime quant à elle, qu' «il est hors de question de prendre part à la moindre échéance électorale tant que des partis politiques sont encore existants». Il ajoute que «cette catégorie demande donc une intervention radicale de l'Armée pour nettoyer le champ politique avant de s'en retirer catégoriquement». Il est certain qu'une pareille approche n'a rien de démocratique même si elle procède de quelque bonne intention justifiée par les terribles années de terrorisme vécues par notre pays. La troisième catégorie, enfin, «qui est la plus hypocrite», semble représentée par la mouvance dite démocrate républicaine. «Elle revendique ainsi une parfaite neutralité de l'armée avant de crier au secours dès qu'elle perd du terrain et que les islamistes font mine de gagner du terrain». Amara Benyounès ajoute que «même Nezzar s'en était montré excédé dans son livre». Voulant s'ériger en véritable arbitre dans ce débat qui est loin de connaître son épilogue, Amara Benyounès estime pour sa part que «le rôle de l'armée doit être constitutionnalisé». A notre remarque sur le fait que les droits et devoirs de cette institution sont parfaitement définis dans notre Constitution de 96, le chef de file de l'URD précise que «c'est le rôle politique de l'armée qui doit l'être de manière enfin transparente et légale». Selon lui, la classe politique, dont l'échec n'est un secret pour personne, ne saurait jamais combler les vides que laisserait l'armée si jamais elle venait à se retirer véritablement de la scène politique. Mieux, «c'est la seule institution dotée d'assez de force et de cohésion pour préserver la République algérienne». Benyounès, donc, veut faire un sort à l'hypocrisie ambiante en définissant clairement et légalement dans quel cadre et jusqu'à quel point l'armée peut et doit s'immiscer dans les joutes électorales. L'originalité de la sortie a ceci de positif qu'elle vient enrichir le débat d'une thèse nouvelle à un moment où les anciennes montraient quelques signes marquants d'essoufflement.