Quatre leaders potentiels ont organisé des rencontres avec leurs militants au cours du week-end. La campagne électorale pour les élections ne fait que commencer, mais déjà un thème récurrent semble dominer tous les autres, c'est celui de la neutralité bienveillante de l'armée, ou, pour reprendre un terme emprunté aux diplomates, il s'agit plutôt d'une neutralité positive. En clair, cela veut dire que si la grande muette est priée, comme elle l'a du reste assuré, de respecter le choix du peuple, il lui est aussi demandé de garantir la régularité et la transparenc du scrutin. Quatre leaders potentiels ont donc organisé des rencontres avec leurs militants au cours du week-end. Ce sont MM.Taleb à Constantine, Djaballah à Annaba, Benflis à Mascara, Belkhadem à Blida et Menasra à Alger. Chacun aborde l'actualité à l'aune de sa propre lucarne. A Annaba, M.Djaballah, leader d'El-Islah, a fait d'une pierre deux coups. Il en profite d'abord pour faire annoncer sa candidature par la bouche d'un député MRN, et ensuite il tient à saluer comme il se doit le désengagement politique de l'institution militaire...en sa faveur comme on le sait. Le général Lamari, on s'en souvient, avait en effet déclaré que l'ANP respecterait le candidat sorti des urnes, même si c'est Djaballah. Cette promesse du chef d'état-major avait été relevée et commentée par les journalistes et tout le gotha politique ; mais quand on s'appelle Djaballah et qu'on en est le principal bénéficiaire, cela donne du baume au coeur. Car qu'est-ce à dire, sinon que c'est un joli coup de pub pour le leader islamiste, qui ne manque jamais l'occasion de fustiger l'Occident sioniste. Pour sa part, le président du parti Wafa non agréé par Zerhouni, a souhaité lui aussi la neutralité de l'institution militaire, tout en lui demandant de veiller à la propreté des élections. Pour le docteur Taleb, l'armée est la colonne vertébrale de l'Etat algérien. Homme du sérail qui a ses propres réseaux dans tous les rouages de la société, le docteur Taleb sait de quoi il parle, et il ne désespère pas de voir l'armée assurer la régularité du scrutin, alors même qu'il dénonce à l'avance le parti pris de l'administration, sur laquelle MM.Ouyahia et Zerhouni auraient fait main basse. Ce dont il a peur, lui, c'est de voir l'argent public servir à la campagne d'un seul homme et à la réédition de la mascarade de 1999. Le vice-président du MSP, M.Menasra, aborde le thème de l'armée sous un autre angle. Pour lui, il s'agit de poser comme préalable la levée de l'état d'urgence, une mesure sur laquelle son mouvement aurait sondé l'opinion de l'ANP. Cette dernière, comme chacun sait, n'est pas du tout gênée par une éventuelle levée de l'état urgence. Et puis, comme chacun voit midi à sa porte, M.Menasra déclare que la fraude est préférable à la gestion par l'administration. Le MSP est bien le seul à soutenir une telle assertion, puisque tous revendiquent une totale transparence des urnes, car, dire le contraire, c'est admettre le fait fraude. En tout cas, M.Benflis n'a pas manqué, devant les militants de son parti et de la société civile à Saïda, de dresser un sévère réquisitoire contre ceux qui, dans l'administration et les rouages de l'Etat tentent de réussir un véritable hold-up politique. Apparemment, MM.Benflis et Belkhadem n'ont pas abordé dans leurs interventions le rôle de l'institution militaire. En revanche, le chef des redresseurs, à partir de Blida, se fait fort de défendre le bilan de l'actuel chef de l'Etat, en affirmant que M.Bouteflika a tenu tous ses engagements, notamment celui de la concorde nationale et civile, celui de la relance économique et celui de replacer l'Algérie sur la scène internationale. A propos de la première, M.Belkhadem a promis «la réconciliation pour tous, y compris pour M.Benflis». Avec de tels arguments, il n'est pas question pour M.Belkhadem, de remettre en cause la neutralité de l'administration. Quant à la scène internationale, n'oublions pas que M.Bekhadem est lui-même le chef de la diplomatie algérienne. Pourtant, c'est M.Menasra qui se chargera d'apporter la contradiction à M.Belkhadem sur les dossiers qu'il a abordés. Sur celui de la concorde, le vice-président du MSP, qui voit dans les luttes internes au FLN une simple question de zaîmisme, demande à voir. Il remet aussi en question l'optimisme de M.Belkhadem dans le domaine économique. Pour lui, il est malheureux de voir autant d'argent dans les caisses de l'Etat alors que le seuil minimum de la relance n'est pas atteint. Il reste aussi sceptique sur la question des prouesses diplomatiques, en ironisant sur ceux qui ont convoqué par deux fois le sommet de l'UMA sans réussir à le tenir. Ancien ministre de l'Industrie, donc très au fait des réalités et des bilans, M.Menasra ne se laisse pas aveugler par la poudre aux yeux et sait rester critique dans son jugement. En revanche, là où il étonne son auditoire, c'est qu'en tant que membre de la coalition gouvernementale, ses suffrages vont plutôt à une candidature de M.Ahmed Taleb El-Ibrahimi. La coalition a-t-elle volé en éclats à trois mois des élections?