Le moins que l'on puisse dire est que les engagements de l'ANP pour une élection transparente ont redonné du tonus à une campagne qui s'essoufflait avant le coup de démarreur. Comment les états-majors des candidats à l'élection présidentielle sont-ils en train de préparer la campagne, à quatre jours de son lancement officiel? La réponse est peut-être donnée par cette enseignante de Tizi Ouzou: «Depuis 1962, les élections truquées ont tué l'élection.» En d'autres termes, le plus grand handicap qui guette le vote du 8 avril reste le taux d'abstention, tout simplement parce que des milliers de citoyens ont la nette impression que les jeux sont faits d'avance: pour beaucoup de nos compatriotes, le président-candidat a verrouillé le jeu et s'est assuré un deuxième mandat cousu main. Et pourtant, malgré cette impression de léthargie, il reste que depuis l'interview du général Lamari à la revue El Djeïch, dans laquelle il recommandait à l'administration de ne pas s'impliquer politiquement, les données du problème ont changé et ses propos ont boosté quelque peu la campagne électorale. Les journalistes de L'Expression ont fait un tour dans les permanences des candidats et voici ce qu'ils ont globalement constaté. Au quartier général de Fawzi Rebaïne, on déplore le manque de moyens. L'Etat n'a accordé qu'un véhicule mais aucune subvention n'est arrivée. Quant au programme des meetings, il englobe quarante wilayas et c'est Mostaganem qui ouvre le bal , parce que c'est dans cette ville que s'est tenu le premier congrès du parti Ahd 54. Au PC de campagne de Abdelaziz Bouteflika, c'est le chargé de la communication et meetings, Abdeslam Bouchouareb qui dirige les opérations. Alors que le slogan est déjà trouvé: «Pour une Algérie digne et forte». Tous les moyens sont mis en oeuvre pour arracher un deuxième mandat au président-candidat, chez qui l'intendance suit : accueil, moyens modernes, amabilité. Le contraste est saisissant, sur ce plan, avec la permanence de Fawzi Rebaïne. Au quartier général de Saïd Sadi, le slogan de campagne clame: «Saïd Sadi, un président crédible, une Algérie solidaire». Les responsables ne veulent pas divulguer le lieu du premier meeting, pour des raisons de sécurité. Mais on connaît déjà les thèmes qui seront développés: le retour au week-end universel, la laïcité, un audit national de l'état des lieux de l'économie nationale, l'abolition du code de la famille, la triple dimension amazighe, arabe et musulmane. Cela dit, les responsables du RCD se refusent à croire, malgré le verrouillage fait par le président, que les jeux sont déjà faits. Quant à la permanence du candidat Ali Benflis, notre collaborateur assure qu'elle ressemble à une ruche. On s'affaire dans tous les sens. M.Benflis est assurément le rival le plus sérieux de M.Bouteflika. Pour sa part, le slogan du candidat Benflis clame tout haut: «Pour que l'espoir renaisse.» Son directeur de campagne affirme que les déboires judiciaires du FLN sont un motif de mobilisation supplémentaire, parce que les militants détestent la hogra. A Constantine, a constaté notre correspondante, les QG de wilaya des candidats sont encore dans la léthargie, sauf pour ce qui est des partis de l'alliance présidentielle (RND, MSP, redresseurs), mais la population est restée préoccupée par ses problèmes quotidiens. Certains candidats néanmoins, comme Ali Benflis, Djaballah et Louisa Hanoune retiennent l'attention des Constantinois. A Tizi Ouzou aussi la campagne est terne. Les rencontres organisées par le RCD sont perturbées, mais bizarrement, celle des soutiens à M.Bouteflika ne le sont pas. Qu'est-ce à dire? L'UDR et le RND sont-ils plus forts que le RCD? On ne peut terminer ce bref tour d'horizon sans revenir à la conférence de presse de Sid Ahmed Ghozali, qui affirme que la neutralité de l'armée est incompatible avec le parti pris flagrant de l'administration. Mais bien qu'il soit éliminé par le Conseil constitutionnel, Sid Ahmed Ghozali garde espoir et déclare que les jeux ne sont pas faits. «Bouteflika ne peut décider de sa victoire tout seul.» Allusion est faite ici au choix des électeurs, mais aussi à l'interview du général Lamari. Le moins que l'on puisse dire est que les engagements de l'ANP pour une élection transparente ont redonné du tonus à une campagne qui s'essoufflait avant le coup de démarreur. Car il n'y a rien de plus terne qu'une campagne sans enjeu. Maintenant, tout le monde a pris conscience que les choses sérieuses n'ont pas encore commencé et que le meilleur est encore à venir. Désormais, la compétition est ouverte.