Des millions de chiites sont attendus, aujourd'hui, pour un pèlerinage à hauts risques dans la ville sainte irakienne de Kerbala placée en état d'alerte maximum, après des attentats antichiites sanglants ces derniers jours.Plus de 40.000 soldats et policiers irakiens ont été déployés dans et aux alentours de la ville, située à 110 km au sud de Bagdad, de même que 10.000 membres de la force d'intervention rapide, selon le chef de la police de Kerbala, Raëd Jawdat. "Le dispositif de sécurité est très large et à son plus haut niveau pour accueillir l'immense nombre de pèlerins qui se rendront à Kerbala", a affirmé le ministre d'Etat pour la sécurité nationale, Chirwane Al-Waëli. Le gouverneur de la province de Kerbala, Khamis al-Khazali, a précisé qu'au moins cinq millions de pèlerins étaient attendus dans la ville sainte, qui sera transformée en place fortifiée, encadrée de trois cordons de sécurité, survolée par des hélicoptères et surveillée par 750 tireurs d'élite. Aucun véhicule ne pourra y pénétrer et les pèlerins seront fouillés à des barrages, équipés de portiques électroniques pour détecter les métaux. Habillés de noir, les pèlerins doivent célébrer le 40e jour après la mort de l'imam Hussein, l'une des figures les plus révérées de l'islam chiite, tué en 680 par la dynastie sunnite des Omeyyades. Ils ont pour coutume de se marteler la poitrine et de se flageller le dos, au rythme de tambours et de prières, en se rendant au mausolée de l'imam Hussein. "Le plan de sécurité va bon train. Seules les forces irakiennes y participent et pour le moment nous n'avons pas demandé d'aide aux forces américaines", a ajouté le ministre d'Etat irakien. Les autorités irakiennes disent craindre des attentats par différents groupes armés. "Nous avons des informations indiquant que des groupes hors-la-loi tenteront de ruiner les cérémonies, mais nous y ferons face de manière professionnelle", a assuré M. Waëli. Dimanche, un kamikaze a réussi à s'infiltrer dans une halte utilisée par les pèlerins chiites se rendant à Kerbala, à Iskandariyah (60 km au sud de Bagdad), tuant 48 personnes et en blessant 68. L'armée américaine a accusé les extrémistes sunnites de la branche irakienne d'Al-Qaïda, affirmant que "l'ennemi" avait "l'intention de relancer un conflit religieux en Irak". Al-Qaïda et d'autres groupes armés visent régulièrement des chiites lors des grands pèlerinages à Kerbala ou dans l'autre grande ville sainte chiite d'Irak, Najaf. Les services de sécurité irakiens ont récemment saisi des quantités d'armes près de Kerbala, ainsi que des explosifs de type TNT dissimulés dans des manches de drapeaux et des grenades. Selon le chef de la police de Kerbala, l'une des menaces d'attentats viendrait d'une secte chiite "messianique", qui a déjà affronté les forces irakiennes lors des célébrations de la fête chiite d'Achoura en janvier à Kerbala. Le "chef spirituel" du groupe, Ahmed al-Hassani Al-Yamani, se prétend l'ambassadeur du Mahdi, l'imam caché dont les chiites espèrent le retour. "Nous avons arrêté des commandants du groupe d'Al-Yamani et 40 autres personnes recherchées, dont certains ont des nationalités arabes", a-t-il précisé. La ville de Kerbala est fréquemment le théâtre d'attentats meurtriers ou de combats. Les 14 et 28 avril 2007, deux voitures piégées avaient explosé près des mausolées de Kerbala tuant au total 113 fidèles. En août, des heurts entre milices chiites avaient fait plus de 50 morts, lors des célébrations de l'anniversaire de la naissance du dernier imam chiite, Mohamed al-Mahdi.