Les grands moyens sont mis Des immeubles repeints, des murs badigeonnés, des trottoirs retapés... sont les quelques facettes des travaux entrepris à la hâte dans Alger-Centre. A quelques jours de la visite du président François Hollande, Alger fait peau neuve. Les immeubles sont en train d'être repeints tout comme le mobilier urbain. Les trottoirs sont refaits et les routes asphaltées... Bref, la pièce théâtrale à laquelle on a droit à chaque visite présidentielle ou ministérielle a été reprogrammée cette semaine. Mais voilà un invité de marque, elle a donc été, le moins que l'on puisse dire, améliorée! Visite guidée. Pour connaître l'itinéraire du président français rien de plus simple: il suffit de suivre... l'odeur de la peinture. On a décidé alors de «renifler» cette peinture fraîche pour suivre ce parcours. Nous commençons par prendre l'avenue de l'ALN (ex-Moutonnière) en venant de l'aéroport. Jusque-là rien d'anormal mis à part quelques glissières d'autoroute réparées et nettoyées. Le spectacle commence juste à l'entrée d'Alger où des trottoirs ont poussé de sous terre! Des ouvriers pressent le pas pour terminer ce nouveau «décor». Plus loin, à Tafourah ce sont les routes qui ont reçu une couche d'asphalte. En une soirée, cette route, qui a tant traumatisé les automobilistes, a comme par enchantement, été tapissée. C'est le même constat aux alentours du square Sofia et de la Grande-Poste d'Alger. La route a également été asphaltée. Au parc Sofia, l'Ex-Snack fermé depuis belle lurette a été détruit. Mais c'est à l'avenue Zighoud-Youcef que l'avancée des travaux est la plus remarquée. Comme par enchantement aussi, les bâtiments qui entourent le quartier ont été repeints pour retrouver leur blancheur d'antan. Des jeunes ouvriers les badigeonnent tous à un rythme effréné. Le fer forgé de ces immeubles a également eu droit à sa couche de propre. De l'acide et une brosse métallique La pierre, elle, a été nettoyée au «Kärcher». Et pour les taches résistantes telles que la mousse verte, on frotte à l'aide de brosses métalliques et un peu d'acide. Le fer forgé du Front de mer a lui été réparé avant d'avoir sa couche de peinture. Tout comme le mobilier urbain, les lampadaires, les plaques de signalisation et les bancs publics. L'éclairage public a également été vérifié et les ampoules grillées ont été remplacées. Les poubelles et toute sorte de détritus ont disparu. La «scène» se poursuit jusqu'au square Port Saïd où d'un seul coup, point de travaux! On comprend dès lors qu'on est sorti de la zone par laquelle passera le cortège de François Hollande. Comme on sait que le président français se rendra à la place Maurice-Audin alors on tourne au niveau du square pour nous diriger vers cette place où doit se recueillir François Hollande, le spectacle est encore plus beau! Les ampoules du tunnel des Facultés étaient en train d'être remplacées. La pierre de ce mythique tunnel subissait un lifting. Une société s'occupe de son bitumage et de son sablage. Tous les immeubles par où doit passer le président Hollande à la rue Didouche-Mourad jouxtant la place Audin, commencent à retrouver leur légendaire blancheur. Que dire alors de la place Audin elle-même. Les poteaux électriques ont été repeints. Des carreleurs pressaient la cadence pour remplacer le carrelage brisé ou arraché. Mais le plus drôle dans cette opération de carrelage est le fait que les carreaux remplacés sont différents de ceux déjà existants. D'ailleurs, ils ne sont pas de la même la couleur. Pis, ce n'est même pas du carrelage anti-dérapant! Mais disons que la visite programmée du président français aura eu le mérite de rendre à Alger sa blancheur d'antan. Cela c'est côté cour. Côté jardin, la donne est totalement différente et cela au grand désarroi des riverains. «Jusqu'à quand ce bricolage! Tous les immeubles sont en ruine: on ne s'inquiète pas. Ce n'est pas une petite couche de peinture qui les renforcera. De grâce, arrêtez le bricolage de dernière minute et pensez vraiment à l'état de nos immeubles qui menacent de s'effondrer», peste Aâmi Chaâbane, un citoyen vivant à la rue Zigoud-Youcef. Aâmi Chaâbane, dont l'immeuble où il réside subissait lui aussi un badigeonnage, tient à nous montrer ce qu'il appelle «mascarade». «Regardez derrière, mis à part la façade qui donne sur le Front de mer, le reste de l'immeuble n'a pas été touché et va rester dans sa saleté», dénonce-t-il. «Regardez l'état des cages d'escaliers. Ils arrangent 'ghir wine ichouf Ahmed'' (diction populaire, 'juste où les yeux peuvent voir'')», ajoute-t-il avec colère. «On voit à chaque visite présidentielle une pièce de théâtre où des arbres sont plantés un peu partout et des villes rénovées», précise de son côté Karim. «Pourquoi pas pour nous?» El Hadj Ammar, un autre habitant d'Alger-Centre se dit à la fois satisfait et déçu. «Satisfait de voir Alger retrouver sa blancheur et déçu que cela ne se fasse qu'à cause de la visite d'un président étranger», explique-t-il avec amertume. «On ne mérite pas nous de vivre dans la propreté?» s'interroge-t-il. «Il aura fallu que ce soit à cause d'un Français que la Coquette retrouve son lustre d'antan», dénonce-t-il. Hakima, elle, tient à faire un constat. «Vous voyez que quand ils veulent, ils peuvent. Regardez en quelques jours comment ils ont transformé le centre de la capitale en un véritable Eden», constate-t-elle. «Cette rénovation des villes pendant les visites officielles se fait en quelques jours. Je ne comprends pas pourquoi nos responsables ne font pas la même chose tout au long de l'année pour qu'il fasse bon vivre dans tout le pays? Ils le font en quelques jours donc ce n'est pas aussi sorcier que cela à faire...», fulmine-t-elle. «Pourquoi, ils ne l'ont pas fait plutôt? Finalement je pense qu'ils aiment voir les Algériens vivre dans la saleté», soutient-elle en implorant les autorités de poursuivre ces opérations au reste de l'Algérie après la visite de François Hollande. «Je sais que ce n'est qu'un rêve qui ne se réalisera pas. Mais on ne sait jamais. En tout cas, s'ils le font, l'Algérie deviendra un véritable paradis sur terre», assure Hakima. Saïd, lui, souhaite que des présidents étrangers viennent nous voir tous les jours et visitent toute l'Algérie. «Ils sont les bienvenus, au moins ils contribueront au nettoyage du pays», plaisante-t-il. Ces coups de gueule des citoyens relancent le débat sur la capacité des responsables à se surpasser dans l'empressement. Mais alors, pourquoi ne le font-ils pas en temps normal? Wait and see.