Jacob Zuma est contesté même au sein de son parti, mais reste, pour le moment, incontournable Le débat interne a souvent tourné à l'affrontement musclé dans la perspective du congrès qui se tient cette semaine à Bloemfontein (centre). Le président Jacob Zuma a été reconduit à la tête du parti. Centenaire, l'ANC a consacré toute l'année à s'autocélébrer, avant de reconduire le président Jacob Zuma à sa tête hier, mais 2012 a été une année catastrophique pour le parti au pouvoir en Afrique du Sud, dont le bilan et l'hégémonie sont de plus en plus contestée. «Ca a été une très mauvaise année pour l'ANC», résume le journaliste politique Adriaan Basson, commençant par le douloureux schisme entre la direction du parti dominant et sa remuante organisation de jeunes, dont le président Julius Malema a été exclu. «C'est l'année où la Ligue de la jeunesse s'est séparée de l'ANC. Or, la Ligue de la jeunesse a toujours été une institution très importante, des gens comme Nelson Mandela en sont issus!» La Ligue, qui reste formellement au sein de l'ANC, est passée dans une opposition frontale, de même par exemple que les dirigeants du Limpopo (nord) d'où est originaire Malema. Le débat interne a souvent tourné à l'affrontement musclé dans la perspective du congrès qui se tient cette semaine à Bloemfontein (centre). Si le président Jacob Zuma a été confortablement reconduit à la tête du parti, son autorité a été ouvertement contestée par une remuante minorité. «Et puis vous avez eu le massacre de Marikana...», soupire Adriaan Basson. La police a tiré sur des mineurs en grève, faisant 34 morts, le 16 août à Marikana (nord). Cette tuerie a été désastreuse pour un pouvoir historiquement proche des syndicats - via la centrale Cosatu - et de la classe ouvrière, et qui n'a pas su trouver les mots pour réagir. Les structures héritées de la lutte anti-apartheid ont été incapables de tenir leurs troupes. «Les mineurs, qui avaient toujours apporté un soutien très sûr, ont tourné le dos à l'ANC et au Cosatu et ont dit Nous formons de nouveaux syndicats, de nouveaux mouvements, nous n'avons plus confiance en vous''», constate le journaliste. Le Cosatu lui-même ne s'est pas privé de critiquer vertement ses alliés, partant notamment en guerre contre un projet de mise à péage des autoroutes de Johannesburg. Le gouvernement ANC peut s'enorgueillir depuis quelques années de résultats encourageants dans la lutte contre le VIH-sida, mais ses résultats sont désastreux en matière d'éducation. Des tests ont montré que les écoliers noirs n'étaient guère mieux lotis qu'au temps de l'apartheid, et certains d'entre eux n'ont reçu leurs manuels qu'à la toute fin de l'année scolaire. Si l'ancien président Nelson Mandela (âgé de 94 ans, et qui vit retiré) «savait ce qui se passe, il en pleurerait», a lancé à cet égard le prix Nobel de la paix Desmond Tutu. Le même Mgr Tutu, autorité morale incontestée en Afrique du Sud, a encore poussé un coup de gueule il y a quelques jours. Cette fois-ci contre le dernier scandale en date, l'agrandissement aux frais du contribuable pour plus de 20 millions d'euros de la résidence de Jacob Zuma. Il a annoncé qu'il prierait pour que l'ANC s'amende, comme il l'avait fait en son temps pour le pouvoir raciste de l'apartheid, que l'ANC a pourtant vaincu avec des idéaux de liberté, d'égalité et de justice. Le train de vie des ministres et des caciques du parti est régulièrement épinglé par la presse, alors que plus du quart de la population a faim. «Je n'ai pas lutté contre l'apartheid pour être pauvre» est devenu une phrase typique pour ces cadres du parti qui s'enrichissent en s'auto-attribuant des appels d'offres publics. «L'objectif de cette année du centenaire était d'évoquer les souvenirs de la lutte contre l'apartheid et toutes les souffrances. (...) Mais en vain, je pense», analyse Susan Booysen, politologue à l'université du Witwatersrand de Johannesburg. «La dynamique est différente dans l'Afrique du Sud d'aujourd'hui», juge-t-elle. «Les gens apprécient la lutte (contre l'apartheid) à sa juste valeur, ils apprécient ce que l'ANC a fait, mais ce n'est pas automatiquement un chèque en blanc pour l'avenir!». En ouvrant le congrès de Bloemfontein dimanche, Jacob Zuma a promis d'améliorer son action, et notamment de combattre la corruption.