Une partie des mutins ne s'est pas retirée, comme convenu, à au moins 20 km plus au nord et campe à portée de tir de la ville. Goma retient son souffle: il y a un mois, la rébellion du M23 s'emparait de cette ville stratégique de l'est de la République démocratique du Congo, avant de s'en retirer contre une promesse de dialogue avec Kinshasa, mais les pourparlers houleux font craindre une nouvelle offensive. Le Mouvement du 23 mars (M23), estimé à environ 1000 hommes, a pris Goma, capitale de la province riche en minerais et instable du Nord-Kivu (est), le 20 novembre. Selon l'ONU, le Rwanda et l'Ouganda voisins - accusés, malgré leurs démentis, de soutenir les rebelles - ont participé à la chute de la ville. Le M23 avait alors face à lui trois régiments de l'armée (Fardc): un autour de Goma de quelque 1000 hommes et deux près de la frontière avec le Rwanda, selon le colonel Olivier Hamuli, porte-parole militaire. Ils étaient appuyés par plus de 1500 militaires de la Mission de l'ONU en RDC (Monusco), qui avait procédé à d'intenses bombardements aériens. Les rebelles se sont retirés 11 jours plus tard sur demande des Etats de la région des Grands Lacs et contre la promesse de pourparlers avec Kinshasa. Ce retrait a dans l'immédiat éloigné la crainte d'un embrasement de la région mais, sur le fond, rien n'est réglé. Une partie des mutins ne s'est pas retirée, comme convenu, à au moins 20 km plus au nord et campe à portée de tir de la ville. Et le dialogue lancé le 9 décembre à Kampala - médiatrice de la crise - s'enlise: les discussions sur le fond n'ont pas encore vraiment commencé. Mardi, le chef des opérations de maintien de la paix de l'ONU, Hervé Ladsous, a affirmé que des centaines de rebelles effectuaient des déplacements «erratiques mais inquiétants» près de la capitale provinciale et n'a pas exclu l'envoi de renforts «si les circonstances l'exigent». Un officier supérieur de l'armée s'exprimant sous couvert d'anonymat a de son côté estimé que le nombre de Fardc déployés à Goma - un bataillon de 650 hommes - était insuffisant. «Nous ne sommes pas déployés à 100%: on ne peut pas être efficace de cette façon», s'est-il inquiété, qualifiant la proximité des rebelles de «menace directe». Hier, le chef politique du M23, Jean-Marie Runiga, a tout de même accusé Kinshasa de faire traîner les négociations à Kampala pour se renforcer militairement dans la région. A l'origine, le M23 est né de la revendication de la pleine application des accords du 23 mars 2009 - d'où son nom. Ces accords régissaient l'intégration dans l'armée de ses hommes, alors membres d'une autre rébellion: le Congrès national pour la défense du peuple (Cndp). Mais depuis, le M23 a multiplié ses doléances, qui touchent désormais à des questions de gouvernance, bien-être social, droits de l'homme. Il est allé jusqu'à exiger l'administration de Goma et à remettre en cause la légitimité du président Joseph Kabila, réélu en 2011 au terme d'élections contestées. A Goma, les échos du dialogue de Kampala inquiètent la population. «Les politiciens qui sont partis à Kampala ne nous ont rien dit de bon jusqu'à présent», déplore Fify, une infirmière, craignant «une brutale reprise des combats».