Que ce soit en Iran, en Algérie ou encore en France, les gens souffrent et rient de la même manière... Dans le cadre de la première rencontre internationale des cultures des peuples des Déserts du monde, la 5e édition du Festival du film de la jeunesse de Chouikh poursuit son petit bonhomme de chemin dans la liesse et le bonheur des retrouvailles entre réalisateurs, acteurs ou simples amateurs du 7e art. La seconde journée fut riche en projections cinématographiques malgré, toutefois, ce bémol de taille : l'impossibilité de diffuser les films dans l'unique salle de l'Oasis rouge car les appareils ne fonctionnent pas. C'est le centre de presse de l'hôtel Moulay qui servira ainsi de salle de cinéma. Un espace plus chaleureux et intime. Après la première partie du séminaire qui s'est tenue dans la matinée au centre culturel «le Rayonnement», organisée par la Fondation Friedrich Ebert et animée notamment par l'anthropologue Malek Chebel, l'après-midi a été consacré au visionnage de films et documentaires à l'hôtel Moulay Osama, film iranien de Sedigh Barmak. Ce dernier sera projeté en début d'après-midi en présence de Jane Birkin, chanteuse, comédienne anglaise et marraine du festival du film. En fait Osama est un film poignant sur les droits bafoués de la femme en Iran. Le film a pour cadre le début de la période du régime des taliban où la femme afghane n'avait pas le droit de sortir dans la rue sans l'accompagnement d'un homme ou d'un garçon. Osama raconte l'histoire d'une petite fille que sa mère déguise en garçon pour qu'elle puisse sortir chercher du travail. Tout un risque et un périple dangereux. Un film très sensible qui dénonce les mauvais traitements que subissent les dans ce pays. Son réalisateur est né en Afghanistan et est diplômé de cinéma à l'université de Moscou. Il a écrit et réalisé plusieurs courts métrages et documentaires. Il a dirigé l'organisation gouvernementale du film pendant plusieurs années, fonction qu'il perd sous le régime des taliban, mais depuis la mise en place du nouveau gouvernement, il a retrouvé son poste à l'organisation du film. Regards d'en face est le titre du documentaire de Jean Asselmeyer, projeté cette année à Alger. Autour de l'architecte Jean-Jacques Deluz, qui reconstitue le fil urbanistique de la ville d'Alger, il nous est donné à voir les portraits de différents acteurs de la société, artistes ou anonymes. Parallèlement à ces paysages comme le Télemly, Belcourt ou la Casbah en plein délabrement, il nous est conté aussi le courage et la force d'une jeunesse et d'artistes qui continuent à croire en l'avenir et à se battre. Le séisme n'est pas une fatalité en soi. Djamel Allam chante pour les enfants sinistrés, le dramaturge Benguettaf est décidé à retaper le théâtre d'Essindjab, Boudjemaâ Karech explose dans sa passion pour le cinéma, Djamel Amrani et Leïla Boutaleb célébrent en poésie les belles lettres, l'artiste peintre transpose ses idéaux en peinture et Amine Kouider exprime sa joie de diriger son orchestre au TNA dans le cadre de son département Opéra...Or.celui-ci a été depuis, dissous sous le coup d'une décision administrative ! Si ce film nous laisse un peu sur notre faim, c'est parce qu'il regroupe une série de portraits censés être diffusés séparément dans le cadre de l'Année de l'Algérie en France. Mais le projet n'a pas abouti. «J'ai voulu à travers ce film apporter un regard différent que celui donné par les médias européens sur l'Algérie qui ne nous la montre qu'en sang et en larmes», explique le réalisateur. Ce film, ajoute-t-il, est en fait un triptyque à quatre volets dont celui-là constitue une première aventure menée en collaboration avec la télévision algérienne, en l'occurence Canal Algérie. Le deuxième volet sera consacré aux anonymes et le dernier à la jeunesse et aux enfants. Et de finir, lors du débat avec l'assistance : «L'Algérie est en construction, elle qui a vécu beaucoup d'épreuves et qui change. C'est mon regard subjectif mais j'y crois». Le dernier documentaire diffusé en début de soirée est celui de Jean-Pierre Lledo, intitulé Algérie mes fantômes. A quelque degré de similitude avec un Rêve algérien, un autre film de Lledo qui sera projeté bientôt à Alger, ce dernier traite également de la thématique de l'exil et la nostalgie du retour. Il a été tourné avant celui-ci en 1998 et 1999, et n'a été monté que cette année. A travers les témoignages de ces gens, Liedo dit être à la recherche toujours de cette «Algérie plurielle». En quête en fait de lui-même et de ses racines. Le film s'ouvre par cette question adressée à sa fille Nawel sur un bateau: «C'est quoi la nostalgie pour toi?», Liedo fait parler des personnes comme lui qui, à un moment de leur existence, étaient obligées de quitter le pays, car leur vie était menacée. Le cinéaste quitte ainsi l'Algérie en 1993 au moment où le terrorisme battait son plein. D'origine judéo-chrétienne, Liedo se retrouve donc en France 35 ans après l'exode de sa communauté d'origine et de sa famille. C'est un véritable déracinement. La douleur et le regret d'avoir laissé l'Algérie sont omniprésents jusqu'à aujourd'hui. Caméra à l'épaule, Liedo, lors de ses différents voyages en France où il présentait ses films, en «profitait» pour interviewer quelqu'un autour de ce sujet. Que ce soit lui ou cette fille née là-bas ou encore plus délicat, cette fille de harki, leur problème est identique: la crise identitaire. Si certains font mine d'avoir oublié, d'autres ont gardé dans leur coeur ce sentimentd'aminosité et de rancoeur envers ceux qui les ont rejetés. Pourtant, au fond d'eux-mêmes ils se sentent Algériens. Hanté par tous ces fantômes et notamment l'image de la guerre ou encore celle du 17 octobre 1961, Jean-Pierre Lledo se demande finalement à la fin du film : «Ma patrie serait-elle finalement celle des gens de passage?». Ce film est attachant par la tendresse et aussi par la simplicité qu'il dégage de ses personnages.