Dans cet entretien, le Pr Abderrahmane Mebtoul s'exprime à propos de la décision de l'Algérie à exploiter le gaz de schiste. L'Expression: Ces jours-ci, on assiste à un débat autour du gaz de schiste, notamment du fait que l'exploitation de cette ressource énergétique non conventionnelle s'inscrit dans la nouvelle loi sur les hydrocarbures. Que pensez-vous de cette décision? Pr Mebtoul: Il faut différencier prospection avec exploitation. Comme l'ont souligné tant le Premier ministre que le ministre de l'Energie, l'exploitation n'est pas pour demain mais cela rentre dans le cadre d'un mixage horizon 2030/2040 en attendant l'avènement de nouvelles technologies. Aussi, cette décision stratégique a été prise au plus haut niveau de l'Etat, après que la majorité des experts internationaux aient estimé que l'Algérie pourrait commencer à importer du pétrole à partir de 2020 et du gaz à partir de 2030 pour satisfaire la demande locale. Par ailleurs, souvent oubliée dans les quantifications de la durée des réserves, la consommation intérieure qui, selon les extrapolations du Creg 2015/2020, serait de 50 milliards de mètres cubes gazeux contre 35 milliards de mètres cubes gazeux en 2011. L'intérêt des autorités algériennes pour les hydrocarbures non conventionnels s'explique donc par la nécessité d'assurer la transition énergétique du pays mais également guidée toujours par la captation de la rente afin d'éviter à terme des remous sociaux. Concrètement, quels seraient les inconvénients de cette exploitation? La fracturation de la roche suppose d'injecter un million de mètres cubes d'eau douce pour produire un milliard de mètres cubes gazeux à haute pression et du sable. Une partie de l'eau qui a été injectée pour réaliser la fracturation hydraulique peut être récupérée (20 à 50%) lors de la mise en production du puits après traitement, ce qui suppose des installations appropriées. Le sable injecté combiné d'additifs chimiques a pour but de maintenir les fractures ouvertes une fois la fracturation hydraulique effectuée, afin de former un drain pérenne par lequel le gaz va pouvoir être produit. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. Pour l'Algérie, pays semi aride, le problème se pose avec le risque de pollution des nappes phréatiques, la nappe d'eau étant l'albien. De nombreux gisements sont enfouis sous des nappes phréatiques et avec la remontée du gaz, le liquide de fracturation peut parfois atteindre ces nappes, et se mêler à l'eau, qui devient alors impropre à la consommation. A-t-on prévu les moyens de lutte contre la détérioration de l'environnement? A-t-on fait les extrapolations d'arbitrage entre la consommation d'eau des populations, des secteurs économiques et l'utilisation de ce gaz? Car en l'absence de technique alternative à la facturation hydraulique grande consommatrice d'eau, l'impact de cette exploitation sur la ressource en eau demeure l'une des principales préoccupations. Certains bassins hydrographiques complexes sont, en effet, partagés comme celui de Mjradah Wadi, commun à la Tunisie et à l'Algérie ou celui de Deraa qui alimente également le Maroc sans compter les bassins communs avec la Libye.