Sharon jongle avec les mots, promettant beaucoup mais réalisant peu. Lors du congrès du parti Likoud dont il est le leader et - dont les travaux se déroulent actuellement à Tel-Aviv -, le Chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, est revenu, sous les «conspuassions» des congressistes, sur les promesses faites depuis son accession à la primature du gouvernement: conclure la paix avec les Palestiniens. Certes! Mais comment? Par la négociation? Il semble bien que cela soit, dans l'esprit de Sharon, exclu, puisque c'est lui, il l'affirme «C'est moi qui prends les décisions, et c'est moi qui les applique» qui définira la consistance du futur Etat palestinien, allant jusqu'à dire que celui-ci, dans un premier temps aura «d'abord des frontières temporaires, puis des frontières permanentes, qui impliqueront pour nous de renoncer à une partie de nos colonies». Il est patent que pour Sharon la réalisation de la deuxième partie de son plan est lointaine dans le temps, et pourrait aussi bien ne jamais aboutir, alors même que la «feuille de route» prévoit l'érection à l'horizon 2005 d'un Etat palestinien indépendant dans les frontières de la ligne d'armistice telle qu'elle existait avant la guerre de juin 1967. Le chef du Likoud reste, en fait, dans la logique israélienne du fait accompli, tout en promettant le minimum pour donner l'impression qu'Israël est effectivement engagé pour la paix au Proche Orient. Sans doute, mais une paix israélienne sous supervision de l'armée israélienne. Ce qui a peu de rapports avec la paix réclamée par les Palestiniens et la communauté internationale. Or, Israël veut rester le maître d'oeuvre de cette paix, en en contrôlant le processus en aval et en amont, l'Etat hébreu décidant seul des priorités et des étapes à suivre. Si les Palestiniens refusent une paix conduite et édictée par Israël, Sharon menace «Dans ce cas de figure, nous devrons nous séparer physiquement et psychologiquement des Palestiniens jusqu'à ce qu'ils trouvent leur voie (...)». Une litote quand, dans le même temps ou Israël poursuit la construction du mur de l'apartheid, en dépit de la condamnation de la communauté internationale, Sharon affirme demeurer engagé par la «feuille de route» et agir «en coordination totale avec les Etats-Unis avec le président (américain) George W.Bush». Aussi, les «concessions douloureuses» que Sharon dit être prêt à faire dans le conflit israélo-palestinien, les «décisions pénibles» et autre «choix historiques», qu'impose à l'Etat hébreu la nouvelle configuration géostratégique mondiale, le leader du Likoud allant même jusqu'à «dénoncer» l'occupation des territoires palestiniens affirmant qu'«Israël ne veut pas dominer indéfiniment un autre peuple» ne sont en définitive que des mots, de beaux discours qui disculpent Israël sans apporter un iota d'espoir pour la solution du contentieux du Proche-Orient. De fait, réagissant vigoureusement à la vision de la paix selon Sharon, le président Arafat a indiqué hier «Sharon ne veut pas la paix, il veut continuer à construire le mur et à mener des opérations militaires» ajoutant «Ce que Sharon a dit dans son discours montre qu'il ne veut pas appliquer la feuille de route», relevant aussi, non sans ironie, à propos de cette dernière qu'Israël l'a accepté en l'assortissant d'un «volume de réserves plus grand que le plan lui-même». Plus tranchant, le conseiller politique du président Arafat, Nabil Abou Roudeina, affirme «Nous rejetons l'idée d'un Etat palestinien aux frontières temporaires, et exigeons la stricte application de la «feuille de route», ainsi que celles des résolutions de l'ONU exigeant le retrait israélien des territoires palestiniens occupés depuis juin 1967». Pour sa part, le Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, estime que les conditions d'une rencontre avec son homologue israélien, Ariel Sharon, ne sont pas actuellement remplies, indiquant «Les raids, les agressions et les incursions continuent et je ne pense pas que dans un tel contexte, la rencontre (avec Sharon) ait les résultats escomptés». En fait, le loup israélien s'est couvert de la peau de l'agneau pour mieux affirmer sa volonté d'imposer ses choix et sa paix aux Palestiniens.