Plus que jamais, les manifestations de rue restent d'actualité dans l'état actuel des choses. Nouveau coup de théâtre dans ce qu'il convient d'appeler l'affaire FLN. Hier, le juge du tribunal pénal chargé de plancher sur la plainte déposée par Benflis contre Yazid Zerhouni et les 48 walis a surpris tout son monde en décrétant son «auto-récusation», transmettant par là-même le dossier de la plainte au président de la cour d'Alger afin de désigner un nouveau magistrat. Les nombreux députés et membres de la direction du FLN venus sur place, étaient partagés entre l'enthousiasme provoqué par une pareille décision et les conséquences risquant d'en découler dans le même temps. Des sources judiciaires rencontrées dans la salle des pas perdus nous ont indiqué que ce genre de démarches, rarissimes quand elles viennent du magistrat lui-même, «sont prévues dans les cas où le juge, soit par sympathie, soit par inimitié, ou sous la pression, sent de sérieuses menaces sur son impartialité». M.Abdelkader Salat, membre du bureau politique du FLN, chargé du contentieux juridique de ce parti, nous indique que «cette décision, unique dans les annales judiciaires algériennes, ne peut que prouver qu'il y a eu pression sur ce magistrat, comme il le fut pour ceux qui avaient été amenés à trancher au niveau de la chambre administrative près la cour d'Alger». La plainte, qui visait l'ensemble des responsables des collectivités locales, basées sur des dossiers quasi imparables, souligne notre source, vise à amener les concernés à «bloquer les activités, les rencontres et les préparatifs du congrès de ce groupe qui prétend être à la tête d'une supposée coordination de redressement du FLN, mais aussi décréter que tout ce qui vient de ce groupe est nul et non avenu». Notre source ajoute que cette décision, qui appelle au moins deux lectures, «comporte l'implicite aveu que l'impartialité de la justice n'est pas acquise s'agissant des dossiers relatifs au FLN». Il ajoute souhaiter que «ce sursaut se soit fait lors du premier procès qui avait vu la scandaleuse invalidation du 8ème congrès de notre parti alors que tous les documents prouvant l'inverse avaient été présentés en temps voulu à toutes les instances concernées». Si sur le plan politique, il ne peut s'agir que d'une victoire remportée par Ali Benflis et les membres de la direction du FLN, il put en aller tout autrement s'agissant des aspects techniques et juridiques. M. Salat, en effet, met en avant sa «crainte qu'il ne s'agisse là de nouvelles mesures dilatoires de la part de ceux qui veulent récupérer le FLN». Preuve en est que la loi ne donne pas de délai précis quant à la réponse du président de la cour d'Alger qui, il faut le dire, peut ne pas transmettre le dossier à un autre magistrat avant de nombreux mois, c'est-à-dire bien après la présidentielle. Notre interlocuteur argumente ces craintes en ajoutant que «le FLN n'a toujours pas été destinataire officiellement de la décision de justice rendue par la chambre administrative de la cour d'Alger, ce qui nous empêche d'introduire les recours nécessaires». Or, «dans le même temps, et de manière tout à fait illégale, les redresseurs, en la personne du ministre des Postes et des Télécommunications, ont gelé nos comptes CCP, ce qui ne nous a pas permis de payer les petits salaires des nombreux employés permanents de notre parti. Un autre scandale, en somme, qui éclabousse aussi bien l'Administration qui ne fait plus rien pour cacher sa partialité envers le président-candidat, que la justice qui n'a pas mesuré la grave portée de sa décision, rendue en dépit du droit, du bon sens et même de la morale». Mme Chelouche Fatma-Zohra, avocate du FLN, n'est pas loin de penser la même chose. «Outre les preuves produites qui montrent que le 8ème congrès était parfaitement légal et légitime, j'ai plaidé pour dire que le délai de quatre mois, prévu par la justice dans ce genre d'affaires était nettement dépassé». Juriste compétente, rompue aux procédures les plus inusitées, elle rappelle le verdict rendu initialement par le conseil d'Etat pour souligner que «aussi bien la chambre administrative que le tribunal pénal auraient dû décréter leur incompétence dans cette affaire. Cela n'a, hélas, pas été le cas». Devant cette véritable impasse, les protestations de rue restent d'actualité plus que jamais. Salat, la mort dans l'âme, met en exergue son «scepticisme quant à l'issue judiciaire de cette affaire». Il ajoute que «les militants de base, et les cadres, qui n'y croient plus, ont déjà donné le «la» de ce que va être la défense du FLN en organisant des manifestations pacifiques pour prouver au monde entier que la base est avec son secrétaire général légitime». Cela, sans oublier les nombreux soutiens exprimés à l'endroit du FLN et de Ali Benflis dans ce bras de fer qui, il faut le craindre, est loin de connaître son épilogue.