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Pourquoi se retirent-ils de leurs partis?
REPÈRES
Publié dans L'Expression le 22 - 01 - 2013

aLa démission de Ouyahia a fait couler beaucoup d'encre et suscité de nombreuses questions. Les analystes, de leur côté, y allaient de bon coeur. D'aucuns voyaient en ce départ la mise à l'écart intentionnelle d'un rival dangereux, d'autres y lisaient plutôt la réaction d'un homme blessé par la trahison de ses amis, alors que d'autres considéraient qu'il s'agissait d'une lutte interne au parti et qui entre dans le cadre naturel d'une compétition pour l'allégeance.
La contestation dans la maison FLN, pour sa part, donne lieu à plusieurs suppositions. Certains y lisent un coup monté contre Belkhadem qui serait suspecté de nourrir des ambitions personnelles pour 2014. D'autres y voient simplement la volonté de sa mise à l'écart pour mauvaise gestion des affaires du parti alors que d'autres y déchiffrent une vengeance de ceux qui auraient été éloignés des cercles de décisions du FLN par l'actuel secrétaire général.
Le départ de Aït Ahmed du FFS, et malgré l'importance de l'homme et du parti, n'avait, de son côté, suscité, ni autant de questions ni autant de curiosité de la part des observateurs. Il est vrai que cela ressemble tellement à un retrait naturel, lié beaucoup plus à l'âge qu'à autre chose. Même l'annonce toute récente par Bouguerra Soltani de son propre abandon au sein de son parti n'a pas donné lieu à assez d'analyses. Il est vrai que cela paraît logique après la pression exercée sur lui et sur son parti, à commencer par son éviction de l'alliance et sa mise à l'écart prononcée depuis le fameux «Printemps arabe». Il est vrai aussi que cette annonce est faite durant l'affaire des otages, un contexte qui la réduit sérieusement.
A vrai dire, tant qu'on considère ces différents événements séparément, au fur et à mesure de leur apparition, on est tenté de n'y voir que des éléments séparés, sans rien de commun à part le rendez-vous électoral de 2014. Mais si, cependant, on les considère ensemble, comme les éléments d'un tout, alors là, des relations commencent à surgir permettant d'autres grilles de lecture et, partant, d'autres perceptions de la scène politique nationale.
A bien considérer les choses, deux grandes possibilités prennent forme. La première est le fait que les changements qui secouent les grands partis obéissent à des causes internes à ces derniers. La seconde, c'est qu'ils sont provoqués plutôt de l'extérieur. Parce qu'on refuse l'idée d'une coïncidence mieux réglée qu'une boîte à musique et d'une simultanéité qui effraie, nous ne retenons, en ce qui suit, que la seconde possibilité qui semble plus à la mesure des hommes. Mais même dans ce cas, il y a lieu de préciser que si ces changements sont effectivement voulus par des cercles étrangers aux partis concernés, cela peut être expliqué différemment.
Première explication. Les dites «Révolutions arabes» ont donné à réfléchir à tous les régimes en place, ce n'est un secret pour personne. Ils ont aussi aiguisé les tentations chez certains partis (les islamistes surtout) et l'exaspération chez d'autres. Chacun y va de son interprétation d'un «printemps» plus que douteux certes mais qui, abstraction faite du reste, demeure une halte importante dans la marche des peuples et une interpellation sans équivoque aux gouvernants arabes. Ceux qui avaient cru décrypter le message se sont vite mis à l'oeuvre.
Changement de gouvernement, changement de Constitution, limogeage de responsables, mise en scène d'élections anticipées ou non etc... le Maroc et la Jordanie, pour ne citer que ceux-là, se sont précipité dans le chantier du changement sans même prendre le temps de connaître ce qu'il y avait lieu de changer. Jusqu'à nos jours, si en Jordanie la rue demeure l'endroit où continue à se jouer l'avenir du pays, au Maroc, le saupoudrage politique n'aura pas vécu longtemps, les problème réapparaissent et les questions sont à nouveau reposées. Chez nous, des annonces sur la Constitution étaient faites et des promesses ont été avancées. Mais comme la Constitution a été jusque-là suffisamment malmenée chez nous et comme les promesses, c'est ce qu'on nous fait le plus sans trop s'en souvenir au lendemain, personne n'y croyait. Aujourd'hui, la première lecture serait donc de considérer qu'en Algérie on est en train de préparer les conditions d'un changement réel.
Bouteflika, par son fameux «tab jnanna», a laissé clairement entendre qu'il ne souhaite pas de quatrième mandat, ce qui pourrait être compris comme un signe révélateur en ce sens. Or, un véritable changement ne peut se faire qu'avec du sang neuf. Aussi, les responsables des grands partis RND, FLN, MSP qui, de surcroît, avaient connu le pouvoir de trop près, devraient aussi s'en aller pour n'entraver les efforts de changement d'aucune manière. Ceux qui ont vite saisi le message, comme Ouyahia ou Soltani, un peu plus tard, ont aussitôt compris l'inutilité de résister et se sont retirés.
Ceux qui, comme Belkhadem, ne veulent pas décrypter le message et refusent d'ouvrir les yeux sur une réalité qui leur échappe et les repousse, continuent à se boucher les oreilles et à s'accrocher à une situation désormais bannie, chose qui finira certainement par leur coûter. Da L'Ho, aura été, dans ce cas, le premier à avoir compris le changement dans la donne et le premier à s'être retiré dans la dignité.
Dans ce scénario, le changement à la tête des partis aura été aidé de l'extérieur avec une totale autonomie aux militants, cependant, pour choisir leurs responsables dans le cadre des instances légales de leurs partis respectifs.
Dans le cas de figure, les redresseurs, la mission accomplie, seront remerciés et...renvoyés chez eux étant donné qu'ils font aussi partie du... passé qu'on veut oublier.
Un autre scénario serait celui où l'aide au changement serait effectivement de l'extérieur, mais avec un coup de pouce pour certains afin de les propulser à la tête des partis décapités. Là, la question est de savoir qui viendront remplacer les Ouyahia, Belkhadem, Soltani et Aït Ahmed, surtout.
Si tel est le cas, le choix des hommes ne sera pas innocent et le changement lui-même ne serait qu'un tape-à-l'oeil destiné surtout à faire luire une vitrine trop poussiéreuse d'un régime appelé lui-même à passer le témoin, car s'il ne fait pas de doute que l'alternance à la tête des partis est une nécessité pour oeuvrer pour une démocratie plus forte et simplement plus réelle, il est encore plus sûr que cette alternance doit concerner toute la scène politique du pays.
Deuxième explication. Le vent des changements a soufflé un peu partout du Moyen-Orient au Maghreb. Pour se prémunir contre cette nouvelle donne, le régime réagit par le développement de mécanismes qui lui permettent, sans se remettre réellement en cause, d'améliorer les conditions de son maintien.
Les changements survenus au RND, au MSP et peut-être au FLN, seraient une simple manipulation pour détourner l'attention et pour donner l'impression d'une mise à jour de la pratique démocratique. Le FFS ne serait, dans ce cas, pas concerné car Ait Ahmed n'ayant eu aucun flirt avec le pouvoir en place.
Si tel est le cas, il faudrait constater que le TAJ de Ghoul n'aura été inventé que dans cette perspective alors que l'ascension vertigineuse du parti de Benyounès depuis les dernières élections législatives aura été programmée pour servir une course de fond qui demande encore du souffle pour quelques années.
Dans une telle situation, comment expliquer le départ de Ouyahia, élément important du système lui-même? Fausse manoeuvre? Recul pour mieux prendre l'élan? et qu'adviendra-t-il des missionnaires du redressement? Chacun trouvera un petit strapontin sur les allées du régime en place, et juste assez d'espace pour continuer à saluer et à faire luire les miroirs en attendant des nouveaux redressements.
Il ne sera pas impossible alors de retrouver les mêmes dans quatre années en train de vouloir destituer ceux-là mêmes qu'ils auraient installés aujourd'hui.


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