La résistance irakienne a encore frappé au moment où la coalition éprouve d'énormes difficultés à normaliser le pays. Des «tirs ennemis», selon l'euphémisme employé par l'armée américaine pour parler de la résistance irakienne, ont touché un hélicoptère américain Blackhawk, tuant ses neufs occupants. Cela s'est passé jeudi dans le triangle - maudit pour les Américains - de Falloujah, où plusieurs hélicoptères ont été abattus en novembre et décembre de l'année dernière. Dans un communiqué rendu public hier, le général américain Mark Kummit, a indiqué «Aujourd'hui vers 14h 20 (l'incident s'est produit jeudi), un hélicoptère militaire UH-60 Blackhawk avec neuf personnes à bord, s'est écrasé. Il n'y a pas eu de survivants», ajoutant «Nous partons de la présomption que c'étaient tous des soldats américains» ajoutant qu'une enquête a été ouverte. Hier, c'est un avion C-5, avec 63 personnes à bord, qui a été, selon toute vraisemblance, atteint par un missile sol-air, mais réussissant toutefois à faire un atterrissage d'urgence. L'appareil venait juste de décoller de l'aéroport de Bagdad. Dans un communiqué, le Pentagone indique «Il semble que le réacteur numéro quatre ait été atteint par un missile sol-air, mais il a été capable de faire demi-tour, de revenir sur l'aéroport et se poser». De son côté, l'armée de l'air américaine qui a envoyé une équipe d'enquêteurs à Bagdad indique «Les premières informations indiquent qu'il s'agit d'une action hostile venant du sol mais le type d'arme utilisée et d'autres détails ne sont pas connus» La résistance irakienne a multiplié ces dernières semaines ses attaques contre les moyens de transport aériens américains, singulièrement les hélicoptères, qui dans ce cas d'espèce, restent pour l'armée américaine un outil de travail indispensable. A propos du C-5, des sources militaires américaines indiquent que c'est le troisième avion qui est ainsi ciblé depuis la fin «officielle» de la guerre le 1er mai dernier. Mais la vraie hécatombe touche les hélicoptères, aujourd'hui cibles privilégiées de la guérilla irakienne. Depuis l'été dernier quelque 14 hélicoptères ont été ainsi abattus, faisant globalement une soixantaine de victimes parmi les soldats américains. En frappant cet outil nécessaire de la «pacification» que sont les hélicoptères, tant par leur vitesse que par leur autonomie de mouvement, la résistance irakienne marque en réalité des points, même s'il est vrai qu'il n'y a pas de commune mesure entre les moyens que peut mobiliser l'armée américaine et ceux d'une guérilla qui a recours à la traditionnelle roquette qui, il est vrai aussi, a fait ses preuves. De fait, analysant la situation, un officier américain estime que «l'ennemi s'est clairement adapté et nous devons en faire autant, c'est l'essence du combat», se voulant toutefois apaisant quant à la portée des pertes des hélicoptères, indiquant «Il y a des centaines d'hélicoptères dans le pays, qui contribuent au transport (de troupes et de matériels) et il y a toujours un risque». Certes ! Il n'en reste pas moins que la résistance s'est montrée plus souple qu'elle ne paraissait sachant s'adapter aux nouvelles conditions de la guerre. Ce que d'ailleurs reconnaissent les Américains, sans doute surpris par la pugnacité d'une guérilla qui a su, dans maints cas, replacer la guerre à son niveau, ou plus exactement au niveau de ses moyens. Même si les officiers américains n'ont pas été formés à douter de leurs moyens, ni du succès qui leur est destiné, il y a cette persistance de la résistance qui montre, a contrario, la vulnérabilité des hélicoptères dans la guérilla telle que celle qui est imposée par la résistance irakienne. D'ailleurs, la majorité des hélicoptères américains ont été abattus dans la périphérie de Falloujah, où la résistance irakienne semble la mieux organisée, la plus active. Outre les difficultés qu'éprouvent les Etats-Unis à «normaliser» le pays, demeure toujours en suspens la question des armes de destruction massive qui ont motivé le déclenchement de la guerre contre l'Irak et qui restent toujours introuvables. Dans un rapport très sévère, rendu public jeudi, la fondation Carnegie, célèbre centre d'études internationales de Washington, accuse l'administration Bush d'avoir «déformé et exagéré la menace pour justifier le conflit» indiquant: «Les responsables de l'administration ont systématiquement présenté de manière inexacte la menace posée par le programme d'armes de destruction massive et des missiles balistiques irakiens». Le rapport accuse également l'administration Bush d'avoir sciemment ignoré les mises en garde des parties qui ne partageaient pas la vision américaine sur la question des ADM, indiquant «(les dirigeants américains) ont régulièrement écarté dans leurs déclarations publiques les mises en garde, les probabilités et les expressions d'incertitude contenues dans les évaluations du renseignement» «Les programmes d'armes de destruction massive de l'Irak représentaient une menace à long terme qui ne pouvait être ignorée, ils ne posaient toutefois pas une menace immédiate pour les Etats-Unis, la région ou la sécurité mondiale», conclut le rapport. Le Washington Post de jeudi semblait résumer la situation en titrant son article «L'arsenal irakien n'existait que sur le papier» marquant ainsi le scepticisme notable dont font montre les milieux des médias et de la classe politique américains. Cela d'autant plus qu'outre le fait que les ADM demeurent introuvables, la guérilla irakienne continue de résister posant de nombreux problèmes à l'armée américaine d'occupation alors que de plus en plus de soldats américains tombent sur le champ de guerre irakien. Ce que l'opinion américaine accepte de moins en moins.