Quelque peu en retrait ces dernières semaines, les dirigeants palestiniens semblent décidés à repasser à l'offensive. Avec son plan de «séparation» le chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon, avait mobilisé, ces dernières semaines, l'opinion publique reléguant quelque peu en marge des Palestiniens figés dans l'attentisme. Aussi, la sortie, jeudi, du Premier ministre palestinien, Ahmed Qorei, remettant à l'ordre du jour l'Etat binational en Palestine historique, (Israël et les territoires palestiniens occupés -Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est-), de même que l'évocation à nouveau, vendredi lors d'une réunion du Comité exécutif de l'OLP, de la possibilité d'une proclamation unilatérale de l'Etat palestinien indépendant constituent une sorte de réponse aux menaces brandies depuis plusieurs semaines par Ariel Sharon à l'encontre des Palestiniens. Dans une déclaration faite jeudi, Ahmed Qorei indique «La poursuite de (cette) politique israélienne avec la construction du mur fait que l'Etat palestinien dont on parle n'aura pas de sens» insistant «Si cette politique israélienne continue nous allons revenir à l'option d'un seul Etat (binational)». Mais, M.Qorei confirmait dans le même temps que les Palestiniens restaient attachés à la «feuille de route». Dans ce même contexte, les dirigeants palestiniens ont tenu vendredi, sous la présidence de Yasser Arafat, une réunion regroupant des membres du Comité exécutif de l'OLP et des représentants de différentes factions politiques, au cours de laquelle ont été étudiés les développements de la situation induits par les obstacles que met Israël à la mise en application du plan de paix international ou «feuille de route». Dans un communiqué rendu public vendredi soir, il était indiqué que «la direction palestinienne, qui s'est longuement penchée sur ces agissements (refus d'Israël d'honorer ses obligations vis-à-vis de la feuille de route) estime avoir le droit, conformément au droit international et aux accords signés (avec Israël) de se diriger vers la création d'un Etat palestinien démocratique sur tous les territoires occupés en 1967, y compris Jérusalem (Est) comme capitale». Des responsables palestiniens relèvent en outre que la politique actuelle de Sharon, construction du mur, qui «pille» 58% de la Cisjordanie, l'option de bantoustinisation des territoires palestiniens occupés «ne laisse pas de place à des négociations ou à la relance du processus de paix». De fait, Israël qui a réoccupé, depuis l'Intifada de septembre 2000, l'ensemble des territoires autonomes, fait une lecture exclusive et restrictive de la problématique proche-orientale, ramenant tout à la seule sécurité de l'Etat hébreu, refusant d'envisager le fait que le seul danger à la survie d'Israël est constitué par l'occupation des territoires palestiniens, ne serait-ce qu'au plan démographique ou selon des estimations la population palestinienne dépassera celle des Israéliens à la fin de cette décennie. Après la déclaration du Premier ministre palestinien sur l'Etat binational, un responsable israélien, sous le couvert de l'anonymat, avait estimé celle-ci comme étant «une menace de mettre fin à l'Etat d'Israël comme Etat juif et nous la rejetons catégoriquement», alors même que ce sont les agissements des gouvernants israéliens qui mettent en équation la judaïté d'Israël. Certes, l'Etat binational aurait pu être une solution il y a plus d'un demi-siècle lors de la création par l'ONU de l'Etat juif et de l'Etat arabe, en 1947. Aujourd'hui le fossé est par trop grand entre les deux communautés pour envisager cette option, et les Israéliens, qui poussent des cris orfraie, feignant à la disparition d'Israël, savent pertinemment qu'il ne dépend que d'eux, et d'eux seuls, pour que le contentieux israélo-palestinien trouve une solution qui satisfasse les deux parties. Toutefois, Israël voulant être juge et partie, empêche toute médiation extérieure et veut imposer son diktat au peuple palestinien. La construction du mur, les destructions du bâti et des infrastructures palestiniennes, les assassinats ciblés de dirigeants palestiniens entrent dans cet ordre d'idées d'imposer la solution israélienne au dossier palestinien. Aussi, comme l'indique la communiqué de la direction palestinienne, la proclamation d'un Etat palestinien sur les territoires occupés en 1967 demeure encore l'option la plus crédible d'autant plus qu'elle serait conforme outre, au droit international, aux résolutions onusiennes 181 de novembre 1947 (partage de la Palestine) 242 de 1967 et 338 de 1973 demandant le retrait d'Israël des territoires palestiniens occupés. Yasser Arafat qui a renoncé par deux fois, en 1999 et en 2000, sous la pression des Etats-Unis, à proclamer l'Etat de Palestine, conformément aux accords alors conclus avec Israël, peut à bon droit -les Palestiniens acculés par la politique contre-productive de Sharon - mettre à exécution un droit auquel les Palestiniens ont, jusqu'ici, accepté de surseoir. Si les Palestiniens en viennent à proclamer leur Etat, ce seront alors les Israéliens qui se seront eux-mêmes piégés.