Cette visite intervient dans un contexte particulier en raison du climat politique délétère entre l'Algérie et le Maroc. Ici à Tindouf, extrême sud-ouest, le temps s'est arrêté depuis l'indépendance au point où les autochtones de la région semblent résignés à leur triste sort en vivant, au jour le jour, sans aucun avenir. Une nonchalance et un flegme qui risquent de se répercuter aujourd'hui, sur l'accueil devant être réservé à la visite de travail et d'inspection du président de la République. Apolitiques, les gens de Tindouf le sont à l'extrême sans que cela les empêche de «demander leur part du gâteau», entendu par cela l'enveloppe budgétaire complémentaire que le chef de l'Etat a pris l'habitude de distribuer à chacune de ses sorties sur le terrain. Tel est l'esprit qui domine à la veille de l'arrivée du chef de l'Etat. D'ailleurs, la visite du président de la République sera dominée par les inaugurations de plusieurs infrastructures de base et la pose de la première pierre d'autres projets en voie d'être lancés. Cet ensemble de projets devra, de l'avis de l'ensemble de la population, contribuer à désenclaver la région qui a connu un retard énorme en matière d'infrastructures. C'est ainsi que le président de la République entamera sa visite aujourd'hui par la baptisation de l'aéroport de Tindouf dès son atterrissage avant de goûter au bain de foule le long de l'artère principale de la ville. D'ailleurs, c'est l'une des rares à être bitumée. Ensuite le président de la République devra inaugurer respectivement un lycée, un service de pédiatrie au niveau de l'hôpital et un centre de psychopédagogie. Ceci pour la programme de la matinée, tandis que l'après-midi sera consacrée à la mise en oeuvre du 1er tronçon de la route menant à Ghar Djebilat avant d'inspecter le projet du puits de pompage d'eau d'une profondeur de 2000 mètres, et une station d'épuration à Hassi Abdallah ainsi que la nouvelle ville et un CEM. Ceci pour l'inauguration. Quant à la pose de la première pierre, elle concerne un laboratoire d'hygiène, l'extension du siège de la wilaya ainsi que la réalisation d'une route. Entre-temps, le chef de l'Etat aura rencontré les représentants de la société civile et les élus locaux pour discuter des problèmes que connaît la région ainsi que des solutions y afférentes. En outre, cette visite de M.Abdelaziz Bouteflika dans la wilaya de Tindouf intervient dans un contexte particulier et revêt une importance spéciale du fait que la wilaya de Tindouf constitue un lieu de repli pour des milliers de Sahraouis expatriés depuis la colonisation de leur terre en 1975 par le Maroc. Malheureusement, nos tentatives d'avoir les chiffres officiels auprès de la Minurso sont restées vaines. Même si cette question n'est pas inscrite au programme, il est fort possible que le chef de l'Etat fasse un détour par les camps de réfugiés sahraouis, histoire de conforter la position de principe de l'Algérie quant au droit à l'autodétermination des peuples et de réaffirmer au peuple sahraoui que l'Algérie reste attachée aux résolutions de l'ONU ainsi qu'au plan James Baker. Dans le même ordre d'idées, cette visite est une occasion pour le président de la République de répondre pour la première fois aux accusations du ministre marocain des Affaires étrangères et de la Coopération, M. Mohamed Benaïssa, qui avait déclaré sur les ondes de la Radio marocaine: «Tindouf est une base arrière à des milliers de séparatistes armés menaçant l'intégrité et la souveraineté du Maroc», mais également à l'ambassadeur belge à Rabat qui avait déclaré sur les colonnes d'un quotidien marocain que «les prisonniers marocains détenus à Tindouf doivent être libérés». En outre, cette visite intervient au moment où les relations algéro-marocaines connaissent les mêmes dégradations qu'en 1992, lors des consultations pour la remise du dirigeant du GIA, Abdelhak Layada qui était aux arrêts dans un hôtel d'Oujda au Maroc et où ses quatre acolytes viennent d'être libérés selon certaines sources. En effet, depuis le report du sommet de l'UMA en raison de l'absence du Sa Majesté le roi Mohammed VI qui conditionne sa présence par l'abandon du soutien de l'Algérie au Polisario, rien ne va plus entre les deux pays. De ce fait, toute déclaration du chef d'Etat est à prendre au sérieux et à analyser avec minutie.