Israël continue de brandir la menace de «séparation», un euphémisme pour présenter l'annexion de près de 60% de la Cisjordanie. Le dossier israélo-palestinien est un véritable cercle vicieux où les protagonistes du conflit tournent en rond sans parvenir à s'entendre sur le minimum qui permettrait de relancer le processus de paix et de donner à la feuille de route, le plan de paix international, des chances de se voir appliquer. Toutefois, face à la surenchère israélienne et le diktat de Sharon, il semble qu'il y ait actuellement peu de possibilités de voir se concrétiser ce à quoi aspire la communauté internationale : le retour de la paix et de la sécurité au Proche-Orient. Mais cela est-il envisageable lorsque cette communauté internationale refuse, dans le même temps, de prendre ses responsabilité vis-à-vis de la question proche-orientale et d'imposer des limites à respecter par les deux parties. Or, tacitement, des lignes rouges sont prescrites aux Palestiniens, comme le fait de déclarer «unilatéralement» un Etat palestinien indépendant, qui «remettrait en cause» le processus de paix selon les Israéliens, quand il est laissé toute liberté de décision à ces derniers qui jouent, avec maestria, de la peur de la communauté internationale d'être accusée d'antisémitisme. Ce qui permet à Sharon, bourreau des Palestiniens, de parler haut et fort, plus que jamais fermé dans son intransigeance, pour imposer sa propre conception de la paix au Proche-Orient. Quand les Palestiniens évoquent la possibilité de proclamer leur Etat indépendant, cela est considéré comme un chantage, à la limite une provocation, lorsque les Israéliens mettent officiellement en oeuvre un plan devant soustraire aux Palestiniens près de 60% du territoire de la Cisjordanie, c'est le mutisme, les déclarations se font rares, aucune protestation contre ce déni de droit, y compris de la part du quartette, théoriquement parrain du processus de la «feuille de route». Ehud Olmer, numéro deux du gouvernement israélien, confirmait hier dans une déclaration au Jérusalem Post que «d'ici le mois de juin, nos préparatifs en vue d'une séparation unilatérale seront achevés (...) et ce plan, qui prévoit le retrait de certaines colonies (isolées ou inhabitées), commencera à être appliqué dans la seconde partie de l'année». Pour sa part, Sharon indiquait, sans rire, à la presse que «ce n'est pas facile, mais c'est le prix qu'il faudra payer». Par qui? Sûrement pas par les Israéliens lorsque le plan Sharon se prépare à amputer la Cisjordanie de plus de deux-tiers de sa superficie. Sharon et son gouvernement jouent les funambules dans un contentieux où les Israéliens ont multiplié les obstacles, ces dernier mois pour faire plier les Palestiniens à leur diktat. Il est, en fait, à se demander si Israël a jamais eu l'intention de se retirer des territoires palestiniens occupés (qui correspondent, selon les Nations unies, aux territoires de Cisjordanie, de Gaza et Jérusalem-Est occupés en juin 1967), quand le ministre sans portefeuille, Uzi Landau, membre du Likoud, affirmait hier devant 100.000 manifestants israéliens : «Je pense que nous pouvons lutter simultanément pour la paix, la sécurité et la poursuite de l'entreprise sioniste en Eretz Israël (Grand Israël)». Dans ce programme, dans quel territoire peut bien être édifié le futur Etat palestinien que prévoit la feuille de route à l'horizon 2005? En réalité, les Israéliens font comme si les Palestiniens n'existent pas et que, à la longue, de guerre lasse, ils finissent par abandonner la lutte pour leurs droits. En tout état de cause, voilà un problème sur lequel il serait curieux d'entendre le point de vue des Etats-Unis, principal parrain du processus de paix, lesquels, soutenant sans nuance l'Etat hébreu, refusent d'exiger des limites à une politique israélienne qui a rendu caducs tous les efforts consentis ces dernières années pour trouver une solution au conflit israélo-palestinien. De fait, les agissements de Sharon et de son gouvernement vont à l'encontre de l'application de la feuille de route. Ce que souligne avec pertinence, Nabil Abou Roudeina, le conseiller du président Yasser Arafat, qui indique à propos de la mise en oeuvre de la «séparation» que «cette menace israélienne ne vise pas uniquement les Palestiniens mais également la feuille de route élaborée par le quartette» (composé des Etats-Unis, de l'Union européenne, des Nations unies et de la Russie), ajoutant : «Une séparation unilatérale qui ne s'appuie pas sur les accords signés et le droit international constituera un fait sans précédent et ne conduira pas à la paix sur le terrain.» Faisant de la surenchère dans les territoires palestiniens occupés, Sharon rejette, en parallèle, les offres syriennes, faites récemment par Bachar Al Assad, de reprise des négociations là où elles ont été interrompues en janvier 2000. En effet, Sharon veut «reprendre à zéro» de nouvelles négociations avec Damas, au moment où le président israélien, Moshé Katzav, invitait, hier, le président syrien, Bachar Al Assad à «venir à Jérusalem et négocier sérieusement avec les dirigeants israéliens les conditions de paix» indiquant: «M.Assad sera le bienvenu, mais il ne doit pas poser de conditions préalables.» Cette sortie du président israélien, dont le rôle est honorifique et représentatif, a quelque peu surpris d'autant plus que Sharon, qui a snobé l'offre du président syrien, pose ses propres conditions à toute reprise de dialogue avec les Syriens. D'ailleurs, cette invitation a été considérée comme peu sérieuse par le ministre syrien chargé des Emigrés, Boussaïna Chaabane, lequel a estimé que «Ce n'est pas une réponse sérieuse» (à l'offre du président syrien faite le mois dernier de reprendre le dialogue). De fait, tant que la communauté internationale refuse de s'impliquer directement, en laissant les Israéliens seuls maîtres d'oeuvre du processus de paix au Proche-Orient, il est patent qu'aucune avancée ne sera réalisée, ne serait-ce que du fait qu'Israël cherche, avant tout, à faire entériner le fait accompli dans les territoires palestiniens, refusant obstinément l'arbitrage des Nations unies et de la communauté internationale.