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Danse du scalp autour de Damas
SYRIE-ISRAEL
Publié dans L'Expression le 14 - 01 - 2004

Les Syriens et les Israéliens se sont engagés dans un poker menteur dont il sera difficile de prévoir l'issue.
La Syrie demeure le maillon faible dans un Moyen-Orient totalement soumis à la dévotion des Etats-Unis. Ce qui est tout profit pour l'Etat hébreu premier bénéficiaire du re-profilage stratégique qui s'opère dans la région avec notamment la neutralisation de l'Irak définitivement rentré dans les rangs.
Cette nouvelle donne met de fait en situation instable la Syrie, dernier régime «musclé», selon Washington, à demeurer au pouvoir dans un Proche et Moyen-Orient plus ou moins pacifié sous la bannière étoilée. Aussi, les offres et contre-offres syrienne et israélienne semblent-elles se réduire à un vaste poker-menteur dans lequel se sont engagés Damas et Tel-Aviv.
En Israël on s'est attelé au partage de la tâche, ainsi, à Sharon le rôle du mauvais garçon, au président Katsav celui du bon samaritain. Ainsi, Ariel Sharon rappelait-il aux membres de son cabinet que «nous ne devons pas oublier les terribles actes barbares des Syriens et les tortures terribles et inimaginables qu'ils ont infligées à nos soldats», au moment même où le chef de l'Etat, Moshé Katsav, invitait son homologue syrien, Bachar Al Assad, à venir en Israël «négocier sérieusement avec les dirigeants israéliens les conditions d'un accord de paix». Certes, cela part sans doute d'un bon sentiment, il n'en reste pas moins que M.Katsav, dont le rôle demeure protocolaire, ne dispose d'aucun droit de regard sur la politique du gouvernement israélien. Alors que le président israélien recommande au président Al Assad de venir «sans condition préalable», Sharon énonçait déjà les siennes comme le fait qu'il faut «reprendre les négociations à zéro» en sus du fait que Damas doit répudier son «soutien au terrorisme».
En fait son soutien au Liban et aux mouvements de résistance libanais, lesquels en défendant les droits du Liban face à Israël, ne sont, pour le chef du gouvernement israélien, que des terroristes. Comme avec les Palestiniens, Israël veut moduler les opérations et demeurer le maître d'oeuvre d'une paix que les Israéliens veulent à leur mesure.
De fait, les Syriens qui ne rejettent pas des négociations globales avec l'Etat hébreu exigent en revanche que celles-ci reprennent là où elles ont été interrompues en janvier 2000, du fait, rappelle-t-on, de l'intransigeance des Israéliens, qui voulaient contrôler la totalité des eaux du lac de Tibériade, point d'achoppement principal, qui a fait échouer les pourparlers de l'an 2000.
Aujourd'hui il semble bien que la situation n'a guère évolué alors que Sharon et, indirectement, les Etats-Unis mettent la pression sur la Syrie pour l'amener à résipiscence. Aussi, les autorités syriennes estiment-elles l'invitation à négocier, faite par l'intermédiaire du président Katsav, comme étant «une dérobade», indiquant: «Le problème ne réside pas dans les visites ou les initiatives. Les récents propos israéliens sont une dérobade au processus de paix», selon un haut responsable syrien cité par l'agence Sana. Ce même responsable réitère que «Faire la paix conformément aux références de la Conférence de Madrid (1991) et aux résolutions internationales est la seule voie pouvant garantir la sécurité et la stabilité au Proche-Orient». Plus explicite, l'ambassadeur syrien auprès des Nations unies déclarait lundi soir à New York que la Syrie «n'est pas prête, sous aucune circonstance, à sacrifier ses terres et ses territoires (du Golan)», précisant «La Syrie ne négociera pas avec le président israélien, (...), c'est avec le gouvernement israélien que se trouve le problème». Dans ces joutes indirectes autour d'une reprise des pourparlers syro-israéliens, il y a toujours eu en filigrane la politique israélienne d'exclusion de toute médiation internationale, hors celle des Etats-Unis.
Dans son conflit avec les Syriens, comme celui avec les Palestiniens, Israël rejettent l'arbitrage international pour mieux imposer à ses interlocuteurs arabes le diktat israélien. Aussi, les appels d'offre de «facilitateur» faits par l'Union européenne en direction d'Israël et de la Syrie risquent de rester sans écho.
Ainsi, après une entrevue avec le président libanais Emile Lahoud, l'émissaire européen Mark Otte, a affirmé lundi à Beyrouth que «L'UE est prête à un rôle de facilitateur. Mais à ce stade, il n'y pas d'idées concrètes. A ce stade, ce que nous savons c'est que le président (syrien Bachar) Al Assad a fait une ouverture et qu'il attend une réponse d'Israël». Un autre son de cloche, qui en fait conforte la position unilatérale d'Israël, vient de Washington lorsque le porte-parole adjoint du département d'Etat, Adam Eril, fait ressortir «l'importance d'un dialogue direct entre Israël et ses voisins» déclarant «Nous avons clairement et constamment indiqué que les Etats-Unis étaient en faveur de la paix au Proche-Orient, notamment de la paix entre la Syrie et Israël».
Pour sa part, à partir du Caire, le secrétaire d'Etat adjoint, chargé du Proche-Orient, William Burns, a estimé nécessaire de «prendre au sérieux» toute opportunité de relance du dialogue entre Damas et Tel-Aviv. Il affirma à ce propos : «Nous appuyons les efforts pour reprendre les négociations sur le volet syrien et libanais, ainsi que sur le volet palestinien», ajoutant: «Les Etats-Unis continuent à croire que toute opportunité qui se présenterait (...) doit être prise au sérieux et doit être encouragée».
Ce qui n'engage en rien Washington dans un processus où Israël semble bien avoir reçu de son puissant protecteur américain carte blanche dans ses tractations avec ses voisins arabes. Autrement dit laisser à l'Etat hébreu l'ouverture nécessaire pour imposer aux Palestiniens, aux Syriens et aux Libanais la paix «israélienne». Et tous les efforts du gouvernement Sharon tendent à concrétiser cette perspective, ne tenant pas compte du fait que la paix se conclut entre deux parties et ne saurait être imposée par l'une des parties.


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